14ème Dimanche Temps ordinaire Année B

Mc 6, 1-6

Scandale du prophète

Par le Père Pierre ABRY,

           Lorsque Dieu s’est manifesté au Sinaï, le peuple entendait les voix et voyait la montagne embrasée. Épouvanté, saisi d’effroi, il a demandé à Moïse : « Parle-nous, toi, et nous écouterons ; que Dieu ne nous parle pas, de peur que nous ne mourions. » (Ex 20,19) Pour la postérité, Moïse assure que « le Seigneur ton Dieu te suscitera, du milieu de toi, d’entre tes frères, un prophète tel que moi. Vous l’écouterez. » (Dt 18,15)

      Lorsque paraît le Christ, pour certains, « c’est vraiment lui le Prophète qui doit venir. » (Jn 6,14) Mais à Nazareth, chez les siens, cela tourne au scandale. A entendre son enseignement, on s’interroge : « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée ? » On s’étonne de voir « ces grands miracles qui se réalisent par ses mains. » Entendre et voir la manifestation de Dieu au Sinaï était insupportable ; l’entendre et le voir devenu semblable à nous ne l’est pas moins. Trop transcendant au Sinaï, le voilà devenu trop « l’un de nous ». Trop ceci ou cela… toujours de trop à l’homme qui se fait dieu.

       Il en sera de même pour les disciples. Annonçant le Christ ressuscité devant le Sanhédrin, Etienne s’exclamera : « Hommes à la nuque raide, incirconcis de cœur et d’oreille, vous résistez toujours à l’Esprit Saint ! Tels vos pères, tels vous-mêmes ! Lequel des prophètes vos pères n’ont-ils pas persécuté ? Ils ont tué ceux qui prédisaient la venue du Juste, celui-là même que maintenant vous venez de trahir et d’assassiner. » (Ac 7,51-52)

    Pourquoi donc cette hostilité à Nazareth et aujourd’hui encore ? Jésus est scandale pour ses proches, littéralement pierre d’achoppement, sur laquelle on bute et trébuche. L’Église l’est de même. Toujours on bute sur l’humanité assumée de Jésus à Nazareth, ou son humanité ecclésiale actuelle. Constamment l’homme invoque des raisons secondes et extérieures, pour se défiler à la raison première qui s’impose intuitivement à lui, de l’intérieur, par la conscience et le cœur. Il invoque ses perceptions et ses idées, pour ne pas se rendre à l’évidence, à la réalité de l’amour de Dieu pour lui. Combien il est parfois difficile à qui a connu le Christ dans son enfance, de dépasser, dans une foi adulte, des images infantiles de Dieu qui paralysent et font trébucher comme alors à Nazareth.

    Lorsque l’orgueil pousse et enferme dans l’obstination, quel remède reste-t-il ? Le Christ n’est pas venu convaincre l’homme, mais vaincre son péché. Il prend sur lui le refus de Dieu qui traverse l’histoire du salut et le cœur de l’homme depuis la Genèse, afin de nous réconcilier au Père.