17ème Dimanche Temps ordinaire Année C

Lc 11, 1-13

L’audace de prier

 Par le Père Pierre ABRY,    

      Voyant Jésus « être » en prière, les disciples demandent qu’il leur apprenne à prier. « Quand vous priez, dites : Notre Père… » Le Fils aurait-il enseigné une formule incantatoire à réciter ? Matthieu précise : « Ne rabâchez pas comme le font les païens qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. » (Mt 6,7) Apprends donc à dire « notre Père », à le dire par ta vie, à « être » en prière, plus qu’à faire des prières.

      Tu appelles Dieu ton Père ? Est-il vraiment le père de ta manière de vivre ? Tu demandes que son Nom soit sanctifié, et tu n’as de soucis que de te faire un nom (Gn 11,4), de le mettre sur des terres (Ps 49,12) ! Tu demandes que son règne vienne, et tu ne cherches qu’à étendre le tien ! Tu demandes que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel, toi qui imposes la tienne à tous, et que même le Ciel fasse ce que tu veux sur la terre ! Comment le Père te donnerait-il le pain de ce jour, puisque déjà, tu y as pourvu ? Comment pardonnerait-il à un débiteur aussi impitoyable qui demande justice de la moindre peccadille ? Quant au mal, le plus souvent nous n’implorons d’en être délivrés que déjà trop engouffrés, sans plus d’issue. La liturgie a bien raison de dire : « … selon son commandement, nous osons dire, notre Père… » Vraiment, c’est de l’audace, du culot !

     Veux-tu vraiment apprendre à prier ? Plutôt que de réciter des formules qui sont ta propre accusation, demande l’Esprit Saint. Le Père le donne à ceux qui l’en prient. Demande-le avec insistance, persévérance. Comme l’ami importun de la parabole, de jour comme de nuit, frappe à la porte et demande-le. Demander accorde le priant au donateur et dispose à l’accueil du don. Plus que de faire changer Dieu, pour lui faire donner ce qu’il aurait omis de donner, la prière change le priant, pour l’ajuster à ce que le Père a déjà donné et qu’il ne voit pas ; à ce qu’il donnera encore et qu’il n’ose pas même espérer.

     En contrepoint de notre rébellion du jardin d’Éden, au jardin de Gethsémani, dans la prière, Jésus assume notre humanité rétive, pour la plier et l’ajuster à la condition filiale : « S’il est possible que cette coupe passe loin de moi… » Puis, « si cette coupe ne peut passer sans que je la boive » ; enfin, « que ta volonté soit faite… » Dans cette prière qui change le priant, la sainteté du nom de Dieu est manifestée et son Règne est advenu ; la volonté du Père de sauver l’homme pécheur s’est réalisée, rétablissant le ciel sur terre ; le pain véritable nous est donné ; le péché est pardonné et l’homme libéré du mal. Cette prière conduit Jésus à consentir à sa Pâque, entrée dans la mort de notre péché, et résurrection qui réconcilie le pécheur au Père.