3ème Dimanche de l’avent Année C

Lc 3, 10-18

Garder cœur et raison

 Par le Père Pierre ABRY,

       La barbarie aveugle qui a ensanglanté le marché de Noël de Strasbourg reste une plaie ouverte. En quoi le baptême de con-version proclamé par Jean ce dimanche éclaire-t-il ce drame ? Le Baptiste n’appelle pas à vivre autre chose, mais à vivre les mêmes choses autrement. Les foules sont invitées à l’équité par le partage ; les publicains à n’exiger que ce qui est juste ; les soldats à se contenter de leur solde, renonçant à la violence et aux exactions. Le Baptiste n’appelle pas à une reconversion professionnelle plus religieuse, mais à une conversion du cœur, pour devenir homme, et être ainsi en capacité d’accueillir Celui qui vient sauver l’homme. Faites retour à votre humanité !

     « Qui sauve une vie, sauve l’humanité entière » dit le Talmud. Qu’en est-il du tueur ? Ne tue-t-il pas aussi, par son crime, sa propre humanité ? L’homme est la seule créature capable de raison pour chercher la vérité, et de cœur pour aspirer à l’amour. S’il renonce à ces spécificités de sa nature et à leurs exigences, il déchoit en deçà de son humanité ; pire même, il chute en deçà de l’animalité, car même l’animal sans raison ne tue pas sans raisons. Lorsque la raison abdique et se vend aux idéologies, lorsque le cœur cède aux instincts les plus bas qui l’habitent, le résultat n’est pas l’animalité, mais la barbarie sauvage, la perversion démoniaque de l’intelligence au service du mal. Le siècle écoulé et notre temps présent sont lacérés par des idéologies intrinsèquement perverses, qui toutes exigent la soumission de l’homme, l’abdication de sa raison, l’étouffement du cœur.

    « Et nous, que devons-nous faire ? » Comme pour la foule, les publicains ou les soldats, la question émerge en nous. Qui, devant la barbarie ne sent monter en lui la même violence qui pourrait le déchoir, à son tour, de sa propre humanité. Le baptême de Jean dans les eaux du Jourdain appelle à faire retour à notre humanité. Mais il n’est qu’une préparation à la venue du « plus fort qui baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. » Beaucoup se disent chrétiens, mais en sont restés de fait au baptême de Jean, au baptême dans l’eau, au temps de la préparation. Ainsi ces disciples d’Éphèse qui « n’avaient même pas entendu dire qu’il y avait un Esprit Saint. » « Quel baptême avez-vous donc reçu ? – Le baptême de Jean ! » Paul dit alors : « Jean a baptisé d’un baptême de repentance, en disant au peuple de croire en celui qui viendrait après lui, c’est-à-dire Jésus. » (Ac 19,3ss) Seul le don de l’Esprit conduit l’homme, dans son intégrité et son intégralité, au retour vers son Père et créateur, loin d’une promotion violente à un paradis de bas étage.