5ème Dimanche de Pâques Année B

Jn 5, 1-8

Mise en demeure

Par le Père Pierre ABRY,

     L’image de la vigne arrive à point nommé en ces temps flottants, où les légumes poussent hors-sol dans des bains d’engrais chimiques, et les hommes hors-sol eux aussi, grandissent dans un bain de culture médiatique mondialisé. Plongeant ses racines à plus de 10 mètres en terre, la vigne élance ses sarments vers le ciel. Dans sa Pâque, le Christ, « vigne véritable » est descendu aux profondeurs de la terre ; il en est remonté au troisième jour, vivifié par la sève de l’Esprit, pour donner aux sarments qui lui sont liés par le baptême, de produire le fruit de vie éternelle : aimer comme il nous a aimés.

     Le Christ appelle à « demeurer » en lui, comme les sarments liés au cep. En effet, le sarment ne peut par lui-même donner du fruit, s’il n’est irrigué de la sève vivifiante du cep : « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. » Jésus nous met en demeure de demeurer en lui, comme lui demeure en nous, pour porter du fruit. Le verbe « demeurer », outre le fait de rester à une place donnée et l’habiter, signifie aussi « durer, perdurer dans le temps, subsister ». Il pointe une sorte de contradiction vécue, une tension statique, un mouvement immobile, une stabilité dynamique, illustrée à merveille par la vigne.

     A la taille, on en coupe plus qu’on en laisse. Êtres dispersés aux multiples désirs, le Père nous émonde à travers les événements de la vie, pour que nous ne soyons pas des lianes stériles rampant en tous sens. A la montée de la sève, la vigne débourre, curieusement au temps de Pâques. Elle « pleure » par les plaies de la taille, comme le côté du Christ a laissé couler sang et eau ; elle déploie ses bourgeons en pampres nouveaux, tout comme la sève pascale renouvelle chaque année les disciples, leur faisant porter un fruit d’amour. Il sera livré au pressoir de la croix, pour se révéler véritable vin d’allégresse.

     Mais rien ne sert de disserter sur le vin futur, si aujourd’hui je ne demeure pas en Christ, attaché à lui comme le sarment à la vigne, si lui ne demeure pas en moi pour vivifier mon être de la sève de sa vie divine. « Maître, où demeures-tu ? – Venez et voyez. Ils vinrent donc et virent où il demeurait, et ils demeurèrent auprès de lui de jour-là. » (Jn 1,39) Pas de grandes résolutions toujours hypothétiques qui dispenseraient du petit pas quotidien ! Demeure à la place où le Seigneur t’a mis, et habite la pleinement. Là, il désire demeurer en toi, t’habiter. Cette inhabitation réciproque, cette vie de communion produira d’elle-même son fruit à la gloire du Père.