6ème dimanche Temps Ordinaire – Année B

15/02/2015

Mc 1, 40-45

Être ou ne pas être…

… Si là est la question, aimer ou ne pas aimer en constitue l’issue. Car « être », c’est sans aucun doute « être aimé ». Et de toute évidence, j’aime comme j’ai été aimé, à la mesure de mon expérience existentielle « d’être aimé ». Es-tu un être aimé ? Pour aimer, à ton tour, par débordement, d’autres êtres, qui sont à aimer ?
Distillation philosophique ? Point du tout ! Un misérable lépreux dont la chair se décompose, rongée par la corruption de la maladie donne, dans l’évangile de ce dimanche, chair à cette expérience qui peut être la nôtre !

Dans les Écritures, lèpre et péché sont liés ; non pas que la première soit un châtiment du second, mais elle l’explicite. Comme le péché coupe de Dieu, rend impur, c’est-à-dire impropre à sa louange ; comme le péché sépare des frères, isole et renferme, ainsi le lépreux vit coupé de la société, criant : « impur ! impur ! », car il est contagieux. En faut-il démonstration ? Combien de familles séparées par la lèpre de l’avarice ? Que de nuits  rongées d’insomnie par la lèpre de la rancune, d’un tord subi, d’un pardon refusé ? Jalousies, jugements, colères, basses pensées, tristesses sans fond, vanités et orgueil sont autant de lèpres qui nous coupent de « l’être », de « Celui qui EST », et des êtres à aimer.

Le Christ donne au lépreux l’expérience d’être aimé jusque dans ce qu’il a de plus repoussant, dans ce qui le coupe des autres, dans son péché. Cet Amour qui est Dieu s’émeut pour l’autre, Il est touché aux entrailles et va jusqu’à toucher, au-delà des barrières et interdits légaux. Car contre l’amour il n’y a pas de Loi. Et ce toucher d’amour est guérisseur ; il met au cœur du lépreux un nouveau « standard » de « l’être aimé », une expérience nouvelle, une mesure nouvelle de l’amour qui est source d’un être nouveau.

Tous nous avons été aimés de manière intéressée, rarement gratuite. Nous nous sommes conformés à ce qu’on attendait de nous pour être aimés, et ceci a conditionné notre « être intérieur », a façonné notre « expérience de l’être », notre existence. Nous nous sommes montrés aimables pour être aimés, pour « être » tout court … mais trop court pour être rassasiés… Nous laisserons-nous toucher ce dimanche, jusque dans notre lèpre, par Celui qui dit à Moïse : « Je SUIS celui qui EST » et qui donne l’être en aimant ?

 

Pierre ABRY, curé