12ème Dimanche Ordinaire Année A

Mt 10, 26-33

Ne craignez pas !

Par le Père Pierre ABRY,

    « Ne craignez pas les hommes ; rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. » Cette recommandation est donnée aux apôtres à leur envoi en mission. Quelle est donc cette réalité cachée aux hommes, révélée aux disciples, qu’il leur faut « dire en pleine lumière » ? Qu’ont-ils entendu au « creux de l’oreille » qu’il leur faut « proclamer sur les toits » ? Au disciple a été révélé « dans les ténèbres » ce qui reste voilé à la plupart des hommes : le propre péché. Le disciple a entendu aussi, au creux de l’oreille l’annonce inouïe de la miséricorde de Dieu qui cherche l’homme. Aimé pécheur, il n’a plus à craindre. « Heureux vos yeux car ils voient, vos oreilles parce qu’elles entendent. » (Mt 13,16) C’est l’expérience du disciple qu’il a charge d’annoncer.

   Désormais, la seule crainte est de perdre, par négligence, cette rencontre intime avec la vie, de perdre son âme. Car renier notre profondeur pour sauver notre peau, c’est con-damner une âme torturée à une survie misérable. Etty Hillesum, jeune juive néerlandaise, retournée par le Père des miséricordes, confie au seuil de sa déportation : « Il y a des gens qui cherchent à protéger leur propre corps, qui pourtant n’est plus que le réceptacle de mille angoisses et de mille haines. Ils disent : « Moi, je ne tomberai pas dans leurs griffes ! » Ils oublient qu’on n’est jamais sous les griffes de personne tant qu’on est dans Tes bras. »

   Dieu est Père, jusqu’à avoir souci du plus petit moineau, et de chaque cheveu de notre tête. Il n’est pas un brasseur d’affaires lointain, gérant les grands événements du monde par voie de conseil d’administration et de politique interventionniste, dans une mondialisation dépersonnalisante. Il a le soin du détail, de la personne et se donne dans l’infinie proximité. Etty a conscience que la déferlante démoniaque nazie présente un caractère inéluctable. Ceux qui ont toujours vécu comme si Dieu n’existait pas, le tiennent alors pour responsable de leurs maux, ne voyant ni sa miséricorde, ni leur péché.

  Etty se rend à l’évidence : « Une chose m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas Toi qui peut nous aider, mais nous qui pouvons t’aider… Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t‘éteindre en moi… C’est la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. Peut-être pourrons-nous aussi contribuer à te mettre au jour dans les cœurs martyrisés des autres. » Cette présence de Dieu en nous est la sainteté. Elle ne conduit pas nécessairement à faire de grandes choses, mais toujours à vivre les petites avec cette grandeur d’amour, dans la confiance.