1er Dimanche de l’avent Année C

Lc 21, 25-36

Ténèbre lumineuse

 Par le Père Pierre ABRY,

       L’année liturgique nouvelle commence avec la fin, le discours eschatologique de Luc ! Mais c’est moins le futur qui y est évoqué, que le présent. L’Apocalypse (1,8) révèle le Christ, « Celui qui est, qui était et qui vient » ; non qui sera ou viendra, mais « qui vient », en constante venue à nous. C’est l’avent, “ad-ventus”. Le livre des Écritures s’achève d’ailleurs sur l’appel de l’Épouse : « Amen, viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22,20)

      Cette venue est marquée par des signes cosmiques terrifiants « dans le soleil, la lune et les étoiles, sur terre et dans le fracas de la mer et des flots. » Cependant, Luc s’intéresse moins à ces cataclysmes qu’aux hommes qui les vivent de tout temps : « Les nations seront affolées et désemparées… les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver à “l’oikouménè”, à la “maison commune”, au monde. » Qui prend le temps de scruter les Écritures et l’actualité, ne peinera guère à discerner les « puissances des cieux ébranlées », lumière qui devient ténèbres, étoiles et stars précipitées, croissants de lune ensanglantés, flots de mort déchaînés ; mais surtout la défaillance d’âme des hommes de ce temps, l’anxiété pathogène que génère le sentiment d’une montée au paroxysme.

     Dans cette « nuée », dans ces ténèbres effrayantes, « le Fils de l’homme vient avec puissance et grande gloire. » Pour Israël déjà, sous le joug de l’esclavage, les plaies d’Égypte préludaient à la libération. Rivières pourpres, infestation de moustiques tigres, ténèbres épaisses où « les gens ne se voient plus l’un l’autre » (Ex 10,23), mort des premiers-nés annonçaient une Pâque au peuple en attente d’un avent, d’une venue du Seigneur.

     L’accablement intérieur de ces détresses peut conduire à l’appesantissement du cœur, tout comme les disciples à Gethsémani étaient « endormis de tristesse ». (Lc 22,45) Jésus avertit que l’alourdissement prend plus souvent la forme de l’aliénation dans la crapule (le manger), dans l’anesthésie des ivresses, et les soucis littéralement “biotiques” de la vie quotidienne. « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons. » (1Co 15,32)

      L’avent vient comme une grâce de relèvement, de tension dans l’attente, une grâce d’espérance. « Redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance est proche… Restez éveillés et priez en tout temps… » En tout temps ? Commençons par ce temps à nous offert. Alors des ténèbres jaillira la douce lumière d’un accueil renouvelé du Seigneur. « O nuit qui m’a guidée ! O nuit plus aimable que l’aurore ! O nuit qui as uni l’Aimé avec son aimée, l’aimée en son Aimé transformée. » (St Jean de la Croix)