Épiphanie Année C

Mt 2, 1-12

Cheminement du désir

 Par le Père Pierre ABRY,

     Noël est traversé par la dynamique de la foi, qui met tout en mouvement vers son accomplissement : entendre une annonce, l’accueillir, voir la réalisation selon ce qui a été annoncé et annoncer à son tour. Marie accueille l’annonce de l’ange, voit la Parole prendre chair en son sein fécondé par l’Esprit Saint, et se rend en hâte chez Élisabeth. Les bergers de Bethlehem accueillent « l’annonce d’une grande joie : aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2,10) et se rendent en hâte à la crèche : « Allons voir cette parole que le Seigneur nous a fait connaître. » (2,15) Ils s’en retournent « glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, suivant ce qui leur avait été annoncé. » (2,20) D’orient, des mages sont eux aussi mis en route, non à l’écoute d’une annonce, mais à la vue d’un signe, un astre qui annonce la naissance d’un roi. La création est langage des signes : « Les cieux proclament la gloire de Dieu, le firmament raconte l’ouvrage de ses mains… Pas de parole dans ce récit, pas de voix qui s’entende; mais sur toute la terre en paraît le message et la nouvelle aux limites du monde. » (Ps 18)

     Depuis la nuit des temps, l’homme scrute le ciel ; les astronomes pour en comprendre les mouvements périodiques, les astrologues pour y lire la destinée des hommes. Nos trois mages, à mi-chemin de l’un et l’autre, sont une parfaite figure de l’homme moderne, en qui cohabite la rigueur scientifique des chiffres, avec la plus irrationnelle adhésion superstitieuse. Le trader scrute d’une attention toute religieuse les tendances du marché et les indices, comme autant d’étoiles annonçant bonne ou mauvaise nouvelle. L’homme d’humble condition avec autant d’intérêt le taux du livret épargne. Horoscopes, diseurs d’avenir, jeux et grattages en tous sens pour décrocher la bonne fortune prolifèrent. On a marché sur la lune, en explore la face cachée, ou sonde Mars, comme le migrant aspire à une terre nouvelle. Mais en dernier ressort, que cherche l’homme à scruter les constellations ? Du latin sidera, constellations, dérive desiderium, désir. Cela nous laisse « sidérés », frappés par les astres ! C’est bien son propre désir que l’homme cherche à lire dans le ciel, l’aspiration la plus profonde de son être. Par delà la multiplicité des désirs ayons le courage de scruter notre désir profond, l’aspiration ultime du cœur. Il faut du courage, car ce désir pourrait bien nous mettre en chemin, comme les mages d’Orient et nous conduirait jusqu’à Jérusalem, au contact des Écritures. Là, notre désir lui-même serait illuminé, purifié et brillerait d’une clarté nouvelle (Mt 2,9), pour nous conduire à Bethlehem, à la Parole faite chair en nos vies. Nous en retournerions par d’autres chemins.