Saint Sacrement Année A

Jn 6, 51-58

Communion dans la chair et le sang

Par le Père Pierre ABRY,

        Le livre du Deutéronome rappelle à Israël le sens de sa traversée du désert : connaître le fond de son cœur et apprendre que l’homme ne vit pas de pain seul, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Dt 8). N’oublions pas trop vite le désert qui vient de s’imposer à nous et ce qu’il a dévoilé. Entrés en confinement, farine, œufs et papier hygiénique avaient disparus des rayons, révélant l’inquiétude primaire de l’homme, préoccupé de la nourriture qui se perd et d’en essuyer les pertes. L’audimat mesurait l’indice d’aliénation des confinés, indice d’étouffement de l’âme, de rétrécissement de la vie. Le déconfinement confirmait que les besoins spirituels étaient le cadet des soucis, après les musées et les plages. Mais la traversée du désert confiné aura aussi éveillé la faim et la soif de Dieu, dont le psalmiste se fait l’écho : « Mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau. » (Ps 62,2)

        Dans l’évangile de ce jour, Jésus affirme être « le pain vivant descendu du ciel », l’aliment véritable qui donne vie éternelle, en contraste avec le pain périssable qui sustente au jour le jour. Provoquant le scandale, même chez ses disciples, il précise encore : « Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang vraiment une boisson. » Comment entendre ?

        Le Fils de Dieu a partagé notre condition, il a communié à la chair et au sang. C’est dans cette chair qu’il a versé son sang, donné sa vie pour les pécheurs. Il a vécu la chair dans l’Esprit, dans la totale donation de lui-même, dans la condition filiale, se recevant du Père, se donnant à lui, et se donnant à ses frères. Sa chair est le lieu même et l’expression de cette donation parfaite et totale, proportionnée à nous qui sommes de chair et de sang. Dieu n’est pas seulement Parole qui dit à l’homme « je t’aime », mais il l’aime réellement jusqu’à mourir d’amour dans la chair de l’homme assumée. Ainsi, le Christ est « l’effigie de la substance de Dieu » (He 1,3), son empreinte dans la chair. Mais l’expression de cette donation dans la chair est de ce fait même située dans l’espace et le temps. Elle est unique, une fois pour toutes et pour tous. Comment la communiquer à tout homme, l’étendre à tous les temps ?

        Pain et vin sont symboles universels de l’aliment qui sustente la vie et de la joie du cœur. Ils deviennent dans l’eucharistie, porteurs du Christ lui-même, dans la substance de son être, dans la puissance vivifiante de sa Pâque. Ils deviennent sacrement du Christ, une sorte d’interface où se donne la rencontre, dans la chair, de l’homme avec son Dieu ; où l’homme communie à la vie divine. Celui qui s’est fait homme, livré aux mains des pécheurs pour les réconcilier au Père, se fait pain et vin livrés entre nos mains, pour donner à tout homme de goûter, dès maintenant, dans sa propre chair, à la vie filiale avec le Père.

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