Lc 3, 1-6
Maranatha
Par le Père Pierre Abry,
Pour Jean le Baptiste comme pour nous, sans cesse, la parole de Dieu fait irruption dans l’histoire de manière circonstanciée. L’an 7 de la présidence de Macron, le gouvernement Barnier venant de tomber, Witkowski étant préfet du Grand Est, sous le pontificat de Delannoy, « la parole de Dieu nous est adressée dans le désert ». Le désert, « midbar » en hébreu, est le « lieu vide de parole ». Tant de voix s’élèvent dans notre société hypermédiatisée, en une cacophonie assourdissante, une logorrhée redondante sur fond de buzz connecté, au point qu’aucune parole ne se laisse plus entendre. Dans nos déserts urbains, lieux sans parole, lieux de solitude dans la foule, retentit la proclamation du Baptiste, « voix de celui qui crie dans le désert. » Pour que cette voix ne soit pas un bruit de plus, mais laisse entendre la Parole, il faut s’affranchir de la pollution sonore ambiante, retrouver le chemin de l’intériorité, le désert intérieur et d’y préparer le chemin du Seigneur. « Heureux les hommes dont tu es la force : des chemins s’ouvrent dans leur cœur ! » (Ps 83,7)
Contrairement à la tradition orientale, l’avent latin n’est pas un « carême de Noël ». Plus qu’un temps de pénitence, l’avent est une dilatation du temps sur l’éternité, du cœur à la Présence, dans l’accueil de Celui qui vient. Il est ouverture à la joie par la venue de l’Emmanuel, « Dieu-avec-nous ». La prophétie d’Isaïe, le livre de la consolation d’Israël annonçait au peuple déporté à Babylone un nouvel exode, semblable à celui des pères hors d’Égypte. La promesse s’adresse désormais à l’humanité entière, exilée loin du Seigneur, au point de faire de notre terre une terre étrangère. Le temps des verbes de la prophétie indique la route. Il nous est impératif de « préparer le chemin du Seigneur et de rendre droits ses sentiers ». Sans un cœur droit, préparé, dilaté par l’attente de l’avent, disposé à vivre en « pèlerin d’espérance » l’année jubilaire 2025 qui s’ouvre, rien ne peut advenir.
Alors, « tout ravin, sera comblé, et toute montagne ou colline sera abaissée. » Le passif indique que Dieu lui-même agira dans les événements, pour abaisser nos montagnes d’orgueil et combler les ravins de nos faiblesses. « Ils seront tous enseignés par Dieu. Quiconque s’est mis à l’écoute du Père et à son école vient à moi » dit le Christ. (Jn 6,45)
Dans la synergie d’un consentement actif avec la disposition passive à se laisser façonner par le Seigneur, les passages tortueux du cœur double deviennent droits, les escarpements intérieurs, nos élévations et nos abattements d’âme sont nivelés. Le futur de promesse devient présent réalisé. « Toute chair verra le salut de Dieu. » Pour celui qui a crié « Marana tha ! Viens Seigneur ! », le Seigneur est venu, « Maran atha ».