Mc 8, 27-35
Qui suis-je ?
Par le Père Pierre Abry,
Cette question traverse de bout en bout l’existence de tout homme. Il n’y répond pas avec des mots, mais au fil de sa croissance, les choix, les refus et les consentements à la grâce façonnent son être personnel et social. Il ne reste pas identique, il change, et pourtant, c’est bien le même être qui est enfant, adolescent puis adulte. Cet être naît et se déploie dans la relation aux autres. Il trouve son accomplissement dans la relation de communion. Mais la relation est aussi le lieu des blessures les plus profondes.
Le regard aimant des parents, les guili-guili, les premiers concepts métaphysiques du type « areuh-areuh », les gazouillis puis babillements du bébé en réponse, tout est sous-tendu par la question : « Qui suis-je ? Qui suis-je pour vous ? » Nous grandissons, par, dans et sous le regard de ceux qui nous accueillent comme un don. A mesure de la croissance, la perception du monde s’élargit en société. A la question fondamentale s’ajoute : « Au dire des gens, qui suis-je ? » L’adolescent en quête d’être ou souffrant de mal-être, le mesurera sur les réseaux sociaux en nombre de vues de ses post, de like ou de followers.
Jésus est le Fils immuable du Père, enfoui dans notre condition humaine soumise à la croissance et au changement. Le concile de Chalcédoine (451) le confesse « Fils unique et Seigneur, qu’on doit reconnaître en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation entre elles… » Il a pleinement assumé la question « Qui suis-je » dans une conscience profonde de son être. « Croyez-moi, je suis dans le Père et le Père est en moi. » (Jn 14,11) Il a pleine conscience aussi d’être au milieu des hommes le Messie attendu.
Lorsqu’il interroge ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? », il attend la confession de foi de Pierre : « Tu es le Messie », tout en le confrontant, lui aussi, à la question essentielle du « Qui suis-je ? » : un disciple qui chemine à la suite du maître ou un satan qui se met en travers de son chemin pascal ? Matthieu précisera que la confession de foi de Pierre est une révélation qui lui est venue, « non de la chair et du sang, mais de mon Père, qui est dans les cieux. » (16,17) Lorsque Pierre sort de cette relation qu’est la révélation et raisonne de manière humaine, selon la chair et le sang, il devient un satan en travers du chemin, un satan sur un chemin de perdition.
Notre questionnement profond, « Qui suis-je ? » trouve écho dans la question du Christ : « Qui suis-je pour toi ? » La réponse se donne dans un chemin à sa suite, par, dans et sous son regard aimant, comme une révélation graduelle qui transcende la chair et le sang.