Lc 5, 1-11
Sur Ta parole
Comme autrefois, dimanche après dimanche, depuis la barque de Pierre, la barque ecclésiale, Jésus enseigne. La foule écoute la Parole de Dieu depuis le rivage, sans se mouiller. Nombreux sont les auditeurs avides d’« enseignements », l’oreille démangée par la soif de nouveautés, qui donnent l’impression d’en savoir plus qu’avant, plus que d’autres. On écoute de beaux enseignements, mais sans le moindre frémissement dans la vie quotidienne, qui semble parfois une traversée laborieuse, de nuit, sans rien prendre. Les filets des pêcheurs du Lac de Galilée ressemblent étrangement à nos filets de courses. Nous pensons les tenir, en tirer subsistance, mais de fait, ils nous tiennent.
Le commencement de l’évangile de Luc invite à un réel nouveau commencement, pour une vie plus évangélique. Tout bascule lorsque d’enseignement, la Parole se fait appel, interpellation : « Pierre, avance en eau profonde et lâchez vos filets pour la pêche » ; lorsque la Parole trouve un cœur consentant ; lorsque qu’en dépit du bon sens ou de ce qui semble raisonnable – « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre » – elle rencontre l’humble obéissance : « sur ta parole, je vais jeter les filets. » Oui, pour mouiller à la grâce, il est nécessaire, à l’appel du Seigneur, de lâcher la rive, d’avancer où on n’a plus pied, d’envisager l’improbable. Alors, l’impensable advient et Dieu se manifeste. L’homme en est saisi d’effroi : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » La Parole qui a enseigné, appelé, puis ordonné, la voici qui rassure et envoie : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras vivants. »
Ce même effroi, Isaïe l’a ressenti en présence du Dieu saint : « Malheur à moi ! Je suis un homme aux lèvres impures et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers ! » Il est envoyé : « Va, et tu diras à ce peuple… » (Is 6,5.9) Paul l’a éprouvé sur le chemin de Damas et devient « un instrument de choix pour porter le Nom devant les nations païennes. » (Ac 9,15) Joseph le juste, en présence du mystère divin porté par Marie, s’en sentant indigne, voulut s’en éloigner en la répudiant en secret. « Ne crains de prendre chez toi Marie… »(Mt 1,19-20)
Après la pêche, miraculeuse « au point que les deux barques enfonçaient », Pierre et ses compagnons auraient pu se précipiter au marché pour monnayer la prise. Mais « laissant tout, ils suivirent Jésus. » Le tout pour le tout, pour Celui qui est tout. Paul, repêché par le Christ, se « fait tout à tous, pour en sauver à tout prix quelques-uns. » (1Co 9,22) Comment courir encore le risque d’une vie de rien pour rien, ou de tout pour rien ?