22ème Dimanche Ordinaire Année A

Mt 16, 21-27

Mystère caché de la croix

Par le Père Pierre ABRY,

    Pendue au mur ou au cou la Croix est objet de notre dévotion. Nous nous en signons à chaque prière. Mais avons-nous compris qu’elle nous colle à l’existence ? « Sagesse de Dieu, mystérieuse, demeurée cachée…, celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue ; s’ils l’avaient connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de la Gloire. » (1Co 2, 7-8) Mystère caché au Démon : La condition humaine du Christ comme un appât de pêche dissimulait l’hameçon de sa divinité. Leurré par la faiblesse du corps de Celui dont le psaume 21 dit : « je suis un ver, pas un homme », la mort s’est précipitée pour l’engloutir. Elle en a été détruite par la Vie. (Amphiloque, évêque d’Iconium au IVe siècle)

   Le mystère voilé aussi aux hommes, à Pierre lui-même, lorsque ses « pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ». Il vient de confesser le « Christ, Fils du Dieu Vivant ». Il est désigné comme le roc sur lequel Jésus bâtirait son Église. Le voilà un « satan » lorsqu’il veut détourner le Christ de son chemin, comme le Satan a cherché à le faire lors de la tentation au désert. « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. » Qu’est-ce que la croix, ma croix ?

   Ce mystère de souffrance nous est aussi voilé, si bien que le plus grand nombre passe la vie à le fuir, tant il est douloureux à l’âme. Alors, le christianisme serait-il un dolorisme qui conduirait à se résigner à souffrir, voire un masochisme si la souffrance était recherchée, fût-ce comme imitation du Christ ? S’agit-il de la « morale des esclaves » décriée par Nietzsche ? Rien de cela. La croix est le premier signe posé sur notre front au jour du baptême, par le prêtre, les parents, parrains et marraines. La vie de chacun est inéluctablement marquée par une souffrance. Souvent même, ce sont les proches évoqués qui en sont à l’origine. Demandons-nous de qui nous souffrons, plutôt que de quoi.

   Lorsque, comme Pierre, nous nous scandalisons du mystère de la croix, de la croix concrète de notre existence, alors s’insinue la tromperie du Satan invitant à l’opposition violente ou à la fuite aliénante. Alors, en pure perte, nous cherchons à « sauver notre vie », « à gagner le monde entier au prix de notre vie. » Là apparaît notre péché et ses distorsions conséquentes dans nos psychologies. Faire front et se mettre en travers comme un satan, ou passer derrière le Maître en disciple ? C’est par le mystère de la croix de notre existence que la question est posée, c’est en elle que nous donnons notre réponse. En elle se donne la foi et la rencontre du Ressuscité.