31ème Dimanche Ordinaire Année A

Mt 23, 1-12

Au service de la Parole

Par le Père Pierre ABRY,

    Que reproche Jésus aux scribes et aux pharisiens ? Ils disent et ne font pas, imposent des fardeaux dont ils se déchargent, et agissent pour être en vue. Mais qui de nous peut se soustraire à ce reproche ? Tous nous sommes en défaut ! Dès le plus jeune âge, l’enfant est à l’affût des incohérences de ses aînés, exigeant d’eux, cherchant à attirer tous les regards. Et cela ne fait que croître avec l’âge ! Le reproche de Jésus vise un mal bien plus profond. En effet, enseignant sans mettre en pratique, exigeant des autres en se dispensant eux-mêmes, les pharisiens se placent en dehors et au-dessus de la Parole, en maîtres cherchant à être reconnus pour ce qu’ils ne sont pas.

    Un seul est parole et réalisation, Celui qui a dit : Que la lumière soit, et la lumière fut. Il est Parole faite chair en Jésus de Nazareth, si bien que tous « étaient frappés de son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes. » (Mt 7,29) Son silence même est parole, et il agit par sa seule parole. Chargé du fardeau de nos péchés il peut dire en vérité : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai… » (Mt 11,29-30) Plutôt que les honneurs, il a pris sur lui l’abjection, s’anéantissant en une condition d’esclave, s’humiliant jusqu’à la mort en croix. (Ph 2) Lui seul répand l’Esprit « qui enseigne toutes choses » (Jn 14,26) et fait de nous des frères. Lui seul fait connaître le Père (Jn 1,18). Lui seul est le guide qui ouvre « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6). Parce qu’il s’est fait Serviteur, il est le plus grand parmi nous.

   Là est la clé du ministère dans l’Église. Vatican II affirme que : « le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique ont entre eux une différence essentielle et non seulement de degré… » (Lumen Gentium §10) Nous l’entendons encore en termes cléricaux, et donc pharisaïques. Une caste sacerdotale serait le haut du panier, et cela serait dans l’essence même de l’Église ? Non, c’est à l’inverse qu’il faut comprendre, selon l’évangile ! Le ministère ordonné appartient au degré d’organisation, il est service. La condition de disciple par contre, l’appel de tous à la sainteté, le sacerdoce commun de tous les fidèles (ministres compris) reçu au baptême est de l’ordre de l’essence de l’Église ; et le ministère ordonné est au service de ce salut. Certes, Pierre a une mission spécifique au sein des Douze. Mais si on appelle le pape François « Saint Père », c’est parce qu’il est « serviteur des serviteurs de Dieu ». Tout ministre ordonné au service sera jugé sur son ministère, mais sauvé par son baptême.