13ème Dimanche Ordinaire Année C

Lc 9, 51-62

Vocation à la liberté

Par le Père Pierre ABRY,

     Efficacité, productivité, rentabilité conduisent inévitablement, même dans la vie ecclésiale, à une vision managériale, réductrice de la réalité. ‘Vocation’ faitimmédiatement penser aux appels spécifiques à la prêtrise, à la vie religieuse ou au mariage. Paul voit plus large, annonçant « le Dieu qui donne la vie aux morts et appelle le néant à l’existence. » (Rm 4,17)

     L’existence est donc déjà vocation, appel. Personne n’a demandé à vivre ! Nous avons été appelés à exister, du latin ’ex–sistere’, à nous ‘tenir debout’, à nous ‘élever’ comme une plante s’élève de terre. Cette venue à l’existence a sa source dans la Parole, par qui tout a été fait. « Je passai près de toi et je te vis. Je te dis : Vis ! » (Ez 16,6)

     La Parole de vie du Père sur tout le créé, « ce Fils qui soutient l’univers par sa parole puissante » (He 1,3) a pris chair de notre chair. « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. » (Jn 1,11) Après l’appel à l’existence, Il y fait résonner l’appel à être, à être en Lui des fils bien-aimés du Père. Dans l’appel à devenir disciple et non pas en nous-mêmes, réside la source profonde de notre liberté. « Vous avez été appelés à la liberté » insiste Paul.

     Rejeté chez les Samaritains, Jésus poursuit son chemin et trois anonymes viennent éclairer l’appel à être disciple. Le premier se propose de suivre Jésus. C’est son projet à lui. Le deuxième est appelé par Jésus, mais pose un préalable : « Permets-moi d’abord… » Le dernier, comme le premier, veut suivre Jésus de son propre chef, mais en y mettant une condition. Par là même, il ne veut pas ce qu’il dit vouloir, tiraillé intérieurement par cet « affrontement qui vous empêche de faire tout ce que vous voudriez » évoqué par Paul.

     Tous trois sont prisonniers d’eux-mêmes, de ce qu’ils pensent ou voudraient faire. Leur liberté affichée de vouloir suivre Jésus ou d’y mettre des conditions, n’est que la prison de leurs désirs. L’appel à devenir disciple entraine une rupture, qui seule fait naître la liberté véritable. Il libère de l’imitation comme de l’opposition au modèle, transmis explicitement ou tacitement par le milieu qui nous porte, pour nous faire entrer dans l’espace de tous les possibles. Il nous arrache aux sécurités, aux prévisions et possibilités infinies envisagées pour notre existence, et de fait jamais réalisées, pour nous ouvrir un infini réel et libérateur. L’appel à l’existence, réduit trop souvent à la seule subsistance, devient en Christ appel à la véritable liberté des enfants de Dieu.