13ème Dimanche Temps ordinaire Année B

Mc 5, 21-43

Toucher de la foi ou couler

Par le Père Pierre ABRY,

        Aujourd’hui comme naguère, Jésus passe au milieu des foules se laissant toucher, et au cœur de chacun pour le toucher. « Passé sur l’autre rive », la rive de résurrection, il est source vivifiante en notre humanité mourante. Dans cette humanité bigarrée, une femme adulte dont la vie s’est écoulée comme un flux de sang, en pure perte. Comme tant d’adultes elle va de mal en pis, dépensant son avoir, la mort attendant son terme. Une jeune fille nubile, au seuil de la vie adulte et pourtant déjà morte, Comme tant de jeunes, frappée d’une torpeur de mort, elle est incapable de se relever et d’entrer dans la vie. Le Christ se laisse approcher et toucher par l’une, s’approche et vient toucher l’autre.

        Jésus n’est pas venu soulager et relever des corps. Il ne se contente pas d’une guérison anonyme, d’une résurrection à la sauvette. Il cherche le face-à-face et le dialogue avec l’homme. Il se retourne pour chercher un visage dans la foule anonyme. Il prend la fillette par ses deux mains pour la relever, par la Parole, dans un vis-à-vis, un visage-à-visage. Dieu ne se distancie pas de l’homme pécheur par peur de se contaminer.

        Cependant, pour que la puissance vivifiante du Christ puisse jaillir, la foi est indispensable. Celle de l’hémorroïsse arrache pour ainsi dire le miracle. Presque malgré lui, « Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. » A l’inverse, le manque de foi de ses compatriotes de Nazareth paralyse sa toute-puissance, « et il ne pouvait faire là aucun miracle. » (Mc 6,5) C’est la foi qui opère la guérison : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. » Elle est absolument nécessaire et suffit à elle seule. « Ne crains pas, crois seulement » dit Jésus à Jaïre, en dépit des dires et des apparences contraires.

        Si la défiance des origines a précipité l’humanité dans la mort, la foi est son relèvement, sa résurrection. « Car le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm 6,23) La foi est orientation du regard intérieur et du désir vers le Seigneur. Elle ouvre au don gratuit que Dieu fait de lui-même. Elle est disposition d’accueil qui rend possible le don parce qu’il est accueilli comme tel. Elle est abandon confiant à la Parole qui la rend agissante et opérante. La foi est vis-à-vis avec le Seigneur, dans la foule ou l’intimité de la pièce reculée. Elle est dialogue où Dieu et l’homme se disent et s’écoutent. En elle, Dieu et l’homme se touchent. Même petite comme un grain de sénevé, « la foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas. » (He 11,1)