Lc 10, 38-42
Vaquer à l’essentiel
Par le Père Pierre ABRY,
Depuis qu’Abraham a accueilli le Seigneur au travers de trois hôtes (Gn 18), l’hospitalité est sacrée. « Grâce à elle, quelques-uns, à leur insu, hébergèrent des anges. » (He 13,2) Marthe accueille à l’improviste treize personnes, Jésus et ses disciples. Cela suscite quelque agitation en cuisine… et Marthe est « absorbée par les multiples soins du service ». Mais l’important est-il d’accomplir la loi de l’hospitalité ou d’accueillir la personne même de l’hôte ?
Un manuscrit ancien apporte une nuance de taille à cet évangile : « Marie, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait la Parole. » Si Jésus est Seigneur, La Parole du Père faite chair, cette Parole demande d’abord à être écouté. « Écoute Israël, tu aimeras le Seigneur ton Dieu… » La chair à nourrir supportera bien quelques délais ! Surtout celle de Celui qui dit : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez… La vie n’est-elle pas plus que la nourriture ? Cherchez d’abord le Royaume et sa justice… » (Mt 6, 25.32) De toute évidence, Marie a choisi la meilleure part, s’ouvrant à l’accueil de la personne de Jésus, plutôt que de s’enfermer dans les règles de l’hospitalité. Et Jésus, lui décerne le psaume 15 : « La part qui me revient fait mes délices ; j’ai même le plus bel héritage ! » Si l’entrée dans une maison et le partage du repas n’est pas d’abord accueil de la personne, écoute, et par là, entrée en communion, autant s’alimenter au fast-food.
Telle Marthe, « absorbés » par une logique de la loi, des choses qui doivent être faites ainsi, parce que c’est ainsi, nous manquons la personne : la nôtre, celle du frère, celle du Christ fait frère. Cette logique nous conduit au murmure, à l’insatisfaction, au jugement de Dieu et du prochain. Les autres ne sont jamais à la hauteur, à notre hauteur, et Dieu lui, ne voit rien de l’évidence de notre zèle et de la déficience des autres : « Seigneur ! Tu ne vois pas ! Dis à mon frère de… » Là est le reproche de Jésus à Marthe. Elle n’est pas reprise pour sont travail, ni Marie louée pour ce que sa sœur considère comme oisiveté. L’hospitalité est d’abord accueil de la Parole faite chair. Accueillir un hôte, un frère, un pauvre, c’est accueillir Christ, non satisfaire une névrose légaliste.
C’est l’été ! Saurons-nous y trouver et choisir la meilleur part ? Vacance, signifie « vaquer ». Vaquons à l’essentiel, l’écoute et l’accueil de la Parole, libres de l’agitation des choses à faire. Si au retour on vous demande si vous avez « fait » des vacances, évitez de répondre : « Cette année, nous avons fait la Grèce ! »