1er Dimanche de carême Année B

Mc 1, 12-15

Décentrer pour recentrer

Par le Père Pierre Abry,

        Le cycle liturgique annuel conduit en son centre, la Pâque du Christ, source et sommet de la vie de l’Église, annonce de sa mort, proclamation de sa résurrection, accueil du don de l’Esprit Saint. La liturgie nous ramène ainsi à notre baptême, source et sommet de notre vie en Christ. En effet, « par le baptême, nous avons été ensevelis avec lui dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire de Dieu, nous vivions nous aussi, dans une vie nouvelle. » (Rm 6,4) Plus qu’une préparation, le catéchuménat d’un adulte est déjà partie intégrante de son baptême, tous deux aussi intimement liés que la gestation à l’enfantement. Pour les baptisés, carême et Pâque sont indissociablement liés, comme les fiançailles aux noces. Les premières conduisent aux secondes, si se donne le consentement de la liberté. Plus qu’une préparation, le carême est déjà la Pâque transformante à l’œuvre en nos vies, pour que la célébration du triduum nous trouve disposés à ressusciter. La lettre de saint Pierre le rappelle dès ce premier dimanche : « Le baptême vous sauve à présent, non parce qu’il a été l’enlèvement d’une souillure charnelle, mais l’ardent désir d’une conscience réconciliée à Dieu, par la résurrection de Jésus-Christ. »

        Pour renouveler en nous cet ardent désir, l’Esprit Saint nous conduit au désert durant quarante jours, afin que nous nous connaissions nous-mêmes : « Souviens-toi de tout le chemin que le Seigneur ton Dieu t’a fait faire pendant quarante ans dans le désert, afin de t’humilier, de t’éprouver et de connaître le fond de ton cœur. » (Dt 8,2) Car bien souvent, le désir profond de notre cœur nous reste voilé, tant il se diffracte en une multitude de nécessités, de besoins, d’envies et de pulsions qui nous font chercher hors de nous-mêmes, dans l’éphémère, notre satiété. Aussi l’Évangile nous donne l’arme du jeûne, pour nous arracher à cet égo projeté à la superficie des choses. Nous mettre à l’écoute de notre faim profonde, nous ferait déjà découvrir Celui qui la taraude et qui seul peut la rassasier.

        Ce décentrement de soi-même conduit à un recentrement sur Celui qui nous attend en notre intérieur. L’écoute de l’unique désir profond devient désir de l’Unique, accueil de sa présence, relation avec Lui, prière. C’est la deuxième arme évangélique, qui ne saurait aller sans la première. Enfin, la libération de soi par le jeûne, le recentrement sur le Seigneur dans la relation priante, devient ouverture au frère dans l’aumône. A parcourir ce chemin, le désert du carême devient lieu de fiançailles : « Je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur. » (Os 2,16) La Pâque nous trouvera alors prêts à entrer dans la célébration des noces de l’Agneau.