20ème Dimanche Ordinaire Année A

Mt 15, 21-28

Écriture(s) en contrepoint

Par le Père Pierre ABRY,

    Qui, sinon la foi chrétienne a ouvert le cœur et la conscience à la dignité inaliénable de la personne, aimée du Père depuis toute éternité et pour l’éternité ? Mais l’époque est aux « vertus chrétiennes devenues folles » selon le célèbre mot de Chesterton. Si pour la Déclaration universelle des droits de l’homme, tous « naissent et demeurent libres et égaux en droits », Paul voit : « tous les hommes enfermés dans la désobéissance, pour qu’à tous soit fait miséricorde. » (Rm 11,32). Égaux en droits ou égaux en miséricorde ? La première approche aboutit à un humanisme, idéologie plaquée sur la réalité de la personne, et qui souvent a tourné à son détriment. Un droit se revendique, se défend ; il devient doit acquis, puis privilège. L’égalité affirmée dans le principe est niée dans les faits. Elle appellera comme un salut d’autres idéologies : égalitarisme, communisme, mondialisme ou alter mondialisme, autant de constructions en « -isme » qui font violence à la réalité et à la personne. Reste la triste ironie attribuée à Coluche, empruntée à Orwell : « Certains sont plus égaux que d’autres. »

    Dans cette perspective l’évangile de la cananéenne est un scandale devant lequel il faut « s’indigner ». Le silence de Jésus à la supplication de cette femme est un « déni de justice ». La requête des disciples pour qu’elle cesse de leur casser les pieds s’apparente à un « passe-droit ». La réplique de Jésus qui dit n’être envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël est « discriminatoire ». Sa réponse à l’insistance de la malheureuse la traitant de « petit chien » s’apparente à l’insulte raciale. C’est stérile et sans issue. Pour Paul, juif, païen ou chrétien, tous sont égaux dans la désobéissance, dans la rupture avec Dieu par l’expérience du péché. Mais cette perspective ouvre à tous, au profond de la conscience, la liberté de la supplication et l’égalité dans la miséricorde.

     Cependant l’idéologie humaniste imprègne jusqu’à notre relation à Dieu et notre vie ecclésiale. Nous jalousons et revendiquons les dons du frère. Comme les apôtres, les ministres « font grâce » pour avoir la paix. Communier est un droit acquis par le pédigrée catholique du baptême, plus que l’expression d’une vie de communion avec le Christ. Alors, que reste-t-il ? Le juif reste juif. Jésus, le Messie envoyé aux juifs. La cananéenne reste une païenne. Le premier a mangé à la table de l’Alliance, sans en être rassasié, ni reconnaître le Messie. L’humble dernière a été exaucée et rassasiée par les miettes tombées de la table. Humilité et supplication persévérante obtiennent tout à tous, car nous sommes égaux devant la Miséricorde.