25ème Dimanche Temps ordinaire Année A

Mt 20, 1-16

Justice des hommes, justice de Dieu

Par le Père Pierre Abry,

         Les premiers ouvriers sont engagés sous contrat, dès 6h du matin, pour un denier par jour. C’est le SMIC journalier de l’époque, le minimum pour faire vivre sa famille. A ceux qui sont envoyés à la vigne à la troisième heure est promis un salaire juste, ce que nous entendons par proportionné à leur travail. De même pour les suivants de la sixième et de la neuvième heure. Mais il s’en trouve encore, qu’à la onzième heure personne n’a embauchés.Ils sont simplement envoyés à la vigne, alors qu’il ne reste qu’une heure de travail avant la nuit. Le soir venu, un denier est remis à chacun, quel que soit le volume horaire effectué. C’est juste et conforme au contrat pour les premiers ; c’est plus que juste, d’une justice distributive et non rétributive pour les suivants ; c’est totale bonté pour les derniers venus.

        Mais la bonté du maître met à la lumière la malice du cœur de l’homme. Déjà dans la bouche des tendres marmots, les parents entendent ce cri d’indignation : « C’est pas juste ! ». Cette rivalité indignée traverse l’humanité depuis Caïn qui voit d’un œil jaloux l’offrande agréée de son frère Abel. Ésaü en veut à mort à Jacob, auquel il a pourtant cédé son droit d’aînesse. Joseph, envié par ses frères à cause de l’amour de son père est vendu comme esclave. Saül est jaloux des victoires de David, bien qu’il en tire gloire, etc.

        Revenons à l’unique denier remis en toute justice aux premiers, en toute libéralité aux suivants, en pure bonté aux derniers. Minimum nécessaire pour assurer le pain quotidien d’une famille, les premiers tout comme les derniers en ont un besoin vital. Ce pain quotidien, que nous demandons dans la prière à notre Père, est Christ lui-même qui veut se donner à tous. Ce denier unique, non à l’effigie de César, mais image du Dieu invisible, est notre véritable salaire. Notre joie véritable, plus qu’une rémunération, est d’être appelés à travailler la Vigne qu’il est lui-même et dont nous sommes les sarments. « Nous te rendons grâce car tu nous as estimés dignes de nous tenir devant toi pour te servir. » (Prière eucharistique 2) « Il appelle à lui ceux qu’il voulait… Il en choisit douze pour être avec lui, et pour les envoyer prêcher… » (Mc 3,14) La clé est là : Être avec Lui, être envoyé ! Là est la joie !

        Le denier unique de la vie éternelle, tous le recevront, mais « les uns pour la vie, les autres pour l’opprobre, pour l’horreur éternelle. » (Dn 12,2) A celui qu’insupporte la bonté du Père et qui jalouse le frère, il est dit : « Prends ce qui te revient, et va-t’en ! » La vie éternelle te revient, prends-la, mais va-t’en loin de moi, car tu es bien loin de moi, toi qui ne supporte pas ma bonté. Va-t’en au lieu de la juste de rétribution ! Et vraiment, si ne nous échoit que ce que nous méritons, pauvres de nous !