2éme Dimanche de l’avent Année C

Lc 3, 1-6

« La grâce à bon marché »

Par le Père Pierre ABRY,

     Jean-Baptiste proclame « un baptême de conversion pour le pardon des péchés ». Ces mots sonnent étrangement, car nous sommes devenus étrangers aux réalités qu’ils recouvrent. Laissons une voix plus proche de nous dans le temps, les faire résonner à nos oreilles et peut-être toucher nos cœurs.
« La grâce à bon marché est l’ennemie mortelle de notre Église. Actuellement, dans notre combat, il en va de la grâce qui coûte. Dans cette Église, le monde trouve, à bon marché, un voile pour couvrir ses péchés, dont il ne se repent pas et dont, a fortiori, il ne désire pas être libéré. De ce fait, la grâce à bon marché est la négation de l’incarnation de la Parole de Dieu… la grâce, abstraction faite de Jésus Christ vivant et incarné… La grâce qui coûte, c’est l’Évangile qu’il faut toujours chercher à nouveau… Elle coûte parce qu’elle appelle à devenir disciple à la suite de Jésus… Le prix qu’il nous faut payer aujourd’hui, avec l’effondrement des Églises organisées, est-il autre chose que l’inéluctable conséquence de la grâce à bas prix ? On a annoncé l’évangile, et on a distribué les sacrements à vil prix ; par charité humaine, on a donné les choses saintes à des moqueurs et à des incrédules ; on a déversé des flots inépuisables de grâce, mais l’appel à l’obéissance à Jésus se fit plus rarement entendre. » Non, l’auteur de ces lignes n’est pas un catho nostalgique, mais Dietrich Bonhoeffer, pasteur protestant luthérien. La grâce qui coûte, lui a coûté la vie le 9 avril 1945, exécuté dans le camp de concentration de Flossenbürg.
Aujourd’hui comme alors, la grâce à bon marché, c’est le baptême sans vie baptismale ; la confirmation sans docilité à l’Esprit Saint ; la communion au christ eucharistique sans union avec Lui par une vie selon l’évangile ; l’absolution, individuelle ou collective, sans changement réel de vie, etc. La grâce à bon marché, c’est la bonne conscience trompeuse de l’impie qui « se voit d’un œil trop flatteur pour trouver et haïr sa faute. » (Ps 36,3) La grâce à bon marché, est celle que nous nous donnons nous-mêmes, vêtement ou revêtement pour se croire « propre sur soi » et « bien entre nous », celle qui ferme le chemin qui conduit au Christ. La grâce qui coûte est d’abord celle qui a coûté à Dieu son Fils, aujourd’hui encore livré en dérision aux mains des hommes. La grâce qui coûte est celle qui déstabilise notre suffisance, pour nous faire sentir nécessiteux de la grâce. Elle est Celui qui vient, à qui il convient de préparer le chemin, pour lui donner accès à notre cœur.