2ème Dimanche de Pâques Année C

Jn 20, 19-31

Voir pour croire ?

Par le Père Pierre ABRY,

            Voir pour croire ? Ça reste à voir ! Tant de contemporains ont vu Jésus, ses miracles, et en rien n’ont cru ; au contraire, ils voyaient en lui un démon qui « par Béelzébul, prince des démons expulse les démons. » (Lc 11,15) Ressuscité, Jésus reproche à maintes reprises aux disciples « leur incrédulité et leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui l’avaient vu ressuscité. » (Mc 16,14) Thomas veut voir la marque des clous et même y mettre son doigt ; voir le crucifié vivant pour avoir la certitude de sa résurrection. Les grands prêtres eux, voudraient voir le cadavre du crucifié, pour être sûrs qu’il ne soit pas ressuscité ! Ils mettent un terme au doute en achetant « pour une forte somme » (Mt 28,12) leur vérité, et la vendent en fake news : les disciples ont enlevé le corps.

            Le cœur de l’homme est incertain et double, vacillant et oscillant. Il aspire à trouver une demeure dans la vérité, doute en même temps de jamais pouvoir l’atteindre, et bien souvent la confond avec ses certitudes. Comme Thomas, chacun a raison, même seul contre tous. Tantôt, en toute bonne foi, le cœur s’emmure dans la raison froide qui questionne et objecte, pour se livrer sitôt après, en toute mauvaise foi, dans une crédulité défiant toute raison, aux théories les plus aberrantes. On doute de la résurrection, tout en donnant foi à la réincarnation… en âne probablement… Plus que jamais, est vrai ce qui est vu à l’écran, sans voir que l’image fait trop souvent écran à la réalité. Thomas, dont le nom Didyme signifie jumeau est bien le jumeau de notre génération incrédule.

            Décidément non, voir n’aide en rien à croire. Voir s’oppose même à croire, obligeant à se rendre à l’évidence, vraie ou fausse. Voir est une paresse du cœur et de l’intelligence. Thomas qui veut toucher, n’est pas même « tâtonnant » dans la foi, il est sans foi, sceptique. Et pour cause ! Huit jours auparavant, lorsque le Ressuscité a insufflé l’Esprit Saint aux dix autres réunis au cénacle, il était absent de la communauté des disciples, occupé à ses affaires. La foi est bel et bien un don que fait le Seigneur, une vertu dite théologale, mais qui n’arrive que difficilement aux absents.

            Ce don est pardon de notre trahison, relation de communion vécue avec le Christ ressuscité, pour être envoyés comme le Père l’a envoyé. A quelle fin ? Pour, dans la force vivifiante de l’Esprit Saint, prendre sur soi le péché du frère et l’anéantir dans le pardon : « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. » Dans cette dynamique pascale, on voit et on touche Christ, non plus comme une réalité extérieure qui s’imposerait à notre vue, mais en notre intérieur, dans ce qu’opère sa présence.