2ème Dimanche de Pâques Année C

Jn 20, 19-31

Toucher la miséricorde

 

Par le Père Pierre ABRY,

    Le soir de la résurrection, Jésus souffle sur ses disciples : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis… » Thomas, absent refuse de croire, seul contre dix, ce que rapportent les autres. Et pour cause ! Pour avoir déserté l’assemblée, il n’a pas reçu l’Esprit Saint, source des vertus théologales de foi, d’espérance et de charité dans le cœur. Eucharistie et assemblée du premier jour de la semaine ne sont pas une question de précepte dominical, mais de souffle de l’Esprit pour la vie en Christ. La lettre aux Hébreux déjà avertit : « Avançons avec un cœur sincère, dans la plénitude de la foi… Gardons indéfectible la confession de l’espérance…  pour nous stimuler dans la charité… ne désertez pas votre propre assemblée, comme quelques-uns ont coutume de le faire, mais encouragez-vous mutuellement. » (He 10, 22-25)

    Mais à quel grand air ou avec quels grands airs se promène donc notre Thomas appelé Didyme, « jumeau », quand les autres sont terrés par peur des juifs ? La Passion a été une déroute lamentable pour les apôtres. Le remord aurait-il saisi Thomas, comme un jumeau de Judas ? Après telle débandade, ne vaut-il pas mieux mourir, comme le maître lâchement abandonné, certes en différé mais honorablement, plutôt que de vivre avec ça ? Seul Jean, le « disciple que Jésus aimait », présent au pied de la croix et à la mise au tombeau n’avait pas déserté l’assemblée, réduite alors à quelques femmes éplorées. Heureux est-il, il lui suffira de voir les linges affaissés dans le sépulcre pour croire.

    Nous autres, nous devrons toucher du doigt. Celui dont la vie est devenue si misérable, qu’à défaut de raisons de vivre, il s’en trouve pour mourir ou faire mourir ; celui que le péché, venant enfin au jour, jette dans la honte et la confusion ; que leur faut-il donc toucher pour croire et vivre ? La miséricorde ! « Mets ton doigt ici, et vois mes mains… » Thomas « voit » donc avec son doigt ! Cet index constamment pointé sur les autres, te laisse voir « la poutre qui est dans ton œil », sur laquelle tu crucifies le Christ et le frère. Cet index oriente vers le Christ qui te présente les plaies de ton péché. Douloureuses dans la passion soufferte, elles sont désormais glorieuses de miséricorde dans sa résurrection. « Transpercé à cause de nos crimes… dans ses blessures nous trouvons la guérison » (Is 53,5 ; 1P 2,24) Toucher ce pardon, miséricorde qui réengendre, nous rendra « miséricordieux comme le Père est miséricordieux ».