2ème Dimanche du carême Année C

Lc 9, 28-36

La nature synodale de l’Église

Par le Père Pierre ABRY,

        Marchant par le désert vers la Terre Promise, les Hébreux sont littéralement en synode, « ensemble en chemin » (syn – odos). Convoqués à l’Alliance au mont Horeb, ils accueillent la Loi transmise par Moïse, pour devenir le peuple de Dieu qui chemine dans ses dix paroles de vie. Entré dans la Terre, installé, sédentarisé, le Peuple de Dieu finit par vivre la Terre de promesse, à l’instar des autres peuples, comme une possession, à l’opposé de la dynamique synodale originelle : « Tous, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin… » (Is 53,6) Inlassablement, depuis Elie à qui Dieu se manifeste dans « le son d’un silence subtil » sur le mont Horeb (1R 19,12), les prophètes rappellent à l’Alliance.

        Une inéluctable loi de pesanteur spirituelle marque notre condition humaine. Elle conduit à s’installer, s’établir, à proportion de l’oubli de Dieu. « Quittant l’Orient, les hommes trouvèrent une plaine au pays de Shinéar et s’y installèrent… – Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! » (Gn 11,2.4) Durant sa marche au désert, Israël regarde avec nostalgie sa condition sédentaire en Égypte où, bien qu’esclave, la marmite était pleine. Constamment ressurgit la tentation de s’assurer le pain, la vie… Aujourd’hui encore… Aussi, le Pape François appelle à retrouver une attitude synodale.

        Sur le mont Tabor, le Christ apparaît transfiguré, en dialogue avec Moïse et Elie, la Loi et les prophètes. Ils s’entretiennent de son exode qu’il doit accomplir à Jérusalem. « Vous scrutez les Écritures, parce que vous pensez avoir en elles la vie éternelle. Ce sont elles qui me rendent témoignage. » (Jn 5, 39) Désormais la Loi n’est plus gravée sur des tables de pierre, mais dans la chair assumée du Fils de Dieu. Dieu n’est plus « silence subtil » mais Parole faite chair. « Celui-ci est mon Fils, l’Élu, écoutez-le. » Il est lui-même « le chemin » (Jn 14,6), exode et synode à la fois, chemin de sortie à parcourir ensemble.

        Un renouveau de l’Église ne saurait être conformisme au monde pour y être accepté, y établir des espaces de pouvoir. L’Église n’est pas une tour de Babel prétendant atteindre le ciel sur cette terre. Tout renouveau de l’Église passe par une réappropriation et une fidélité plus grande à sa vocation première, à sa mission. La dynamique synodale voulue par le Pape François vise à retrouver ce mode de vie et d’action propres à l’Église, appartenant à sa plus antique tradition. « Synoder », cheminer ensemble est le processus qui construit le peuple de Dieu en son exode, plutôt que de le cristalliser dans des espaces. Cette conversion pastorale et missionnaire passe nécessairement par une écoute renouvelée du Fils bien-aimé en qui le Père a mis tout son amour.