31ème Dimanche Temps ordinaire Année A

Mt 23, 1-12

Pouvoir et autorité

Par le Père Pierre Abry,

        Autorité et pouvoir sont comme deux plateaux de balance en équilibre dans le juste accomplissement d’une charge, d’un ministère. De fait, toute autorité a un pouvoir. Mais à mesure que s’effrite la consistance de l’autorité, le poids du pouvoir se fait sentir, jusqu’à se faire écrasant, jusqu’à l’abus et à la négation même de l’autorité dans l’arbitraire totalitaire. L’autorité de la vérité, elle, n’a besoin d’aucun pouvoir. Elle ne saurait pas même s’en accommoder. Sa défaite même devant les pouvoirs, est triomphe par le martyr.

        Scribes et pharisiens « enseignent dans la chaire de Moïse » et jouissent de la faveur de son autorité. Mais elle tourne à leur confusion « car ils disent et ne font pas ». Aussi font-ils sentir leur pouvoir, tout comme dans le monde « les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands font sentir leur pouvoir. » (Mt 20,25). « Ils chargent les épaules des gens de pesants fardeaux, mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. » Jésus n’a aucun pouvoir, mais « il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes » (Mt 7,29) Il vit comme il parle et dit ce qu’il vit. Il est la Parole faite chair, la révélation du Père. Son autorité de Fils de Dieu s’accorde parfaitement à la condition de fils du charpentier de Nazareth, car la véritable autorité est drapée d’humilité et n’a nul besoin de s’imposer par un pouvoir. Après l’usage du pouvoir, pour recoudre, en apparence du moins, cette déchirure existentielle entre dire et faire, scribes et pharisiens cachent leur déficience dans l’être sous les apparats de la vaine gloire mondaine : « places d’honneur dans les dîners, sièges d’honneur dans les synagogues, salutations sur les places publiques. »

        Le reproche que leur fait Jésus, comme celui du prophète Malachie aux prêtres, s’adresse aussi aux ministres de la Nouvelle Alliance, comme à chaque baptisé qui de fait, est en charge de son frère. Les uns, par abus de pouvoir « chargent de pesants fardeaux ». (Mt 23,4) D’autres, par abus d’autorité font « acception de personnes dans leur enseignement ». (Ml 2,9) Le clientélisme entre « bons » et « mauvais » prêtres – les bons étant forcément bon marché – « fait trébucher un grand nombre. » (Ml  2,8). A mesure que la consistance de la vie baptismale s’atténue, les luttes de pouvoir prennent le dessus, accoutrées d’honneurs mondains. « Vous n’êtes pas plus saint parce qu’on vous loue, ni plus imparfait parce qu’on vous blâme. Vous êtes ce que vous êtes ; et tout ce qu’on pourra dire, ne vous fera pas plus grand que vous ne l’êtes aux yeux de Dieu. » (L’imitation de Jésus-Christ, 6,3) Mieux vaut être sans qu’il n’y paraisse, que de paraître sans être. Seule la conversion intérieure dans l’accueil renouvelé de la Parole résorbera la dichotomie.