33ème Dimanche Ordinaire Année C

Lc 21, 5-19

Âge de la pierre ou temps du témoignage

Par le Père Pierre ABRY,

    Dans la foule autour de Jésus, certains s’émerveillent de la beauté du temple de Jérusalem. Les imposantes pierres de fondation de son esplanade se voient encore au Mur des Lamentations. Nous sommes édifiés par nos cathédrales, qui gravent dans la pierre la foi des générations passées. La perception de quelque chose d’immuable, à quoi le cœur de l’homme aspire secrètement dans ce monde changeant y attire.

    « De ce que vous contemplez, viendront des jours où il ne restera pas pierre sur pierre » répond Jésus. Dieu ne se fige pas dans la pierre, il travaille des cœurs de chair. Il n’édifie pas des bâtisses, mais façonne un peuple qui témoigne de Lui. Jésus poursuit, décrivant un monde en agonie, lacéré par les guerres, secoué par des tremblements de terre, en proie à la peste et aux famines : le monde tel qu’il est depuis qu’il est devenu monde, le monde d’aujourd’hui encore. Jésus ne nous parle pas de l’apocalypse. Les élucubrations anxieuses sur la fin des temps font trop facilement perdre de vue le temps présent qui m’est donné, qui a une fin, mais aussi une finalité. Jésus prépare ses disciples au temps que nous vivons encore : « temps des nations », temps de l’épreuve et du témoignage.

   Habité d’un désir d’éternité, conscient que son temps personnel va vers sa fin, que le temps lui-même touchera à son terme, plongé dans un monde en douleur d’accouchement, le cœur de l’homme est saisi d’une forme d’angoisse, qui l’expose aux faux messies. « Il en viendra beaucoup sous mon nom, qui diront : ’C’est moi !’ et ‘Le temps est tout proche’. N’allez pas à leur suite. » Ils diront « c’est moi », littéralement « je suis », le Nom de Dieu révélé à Moïse au Sinaï. Vêtus d’uniformes, Père des peuples ou Grand timonier, Führer ou Duce, ils se font dieux, font la guerre et pensent mettre l’homme à leur botte. Drapés dans la « toile » technologique, ils trament la vie des autres. La tête dans un turban, ils prêchent la « soumission » et croient l’obtenir au fil du rasoir. Parés d’économie sociale, ils stérilisent et affament les peuples. La terre elle-même en tremble en Italie.

   Immergé dans ce monde en agonie, y participant pleinement sans être de ce monde, le disciple « aboutit au témoignage », martyr sous toutes ses formes. « Mettez-vous donc bien dans le cœur que vous n’avez pas à préparer d’avance votre défense : car moi je vous donnerai un langage et une sagesse, à quoi nul de vos adversaires ne pourra résister ni contredire », langage de la chair vivifiée de l’Esprit du Christ Jésus et non langage de la pierre sculptée. Chrétiens, sortons de l’âge de la pierre !