11ème Dimanche Temps ordinaire Année B

Mc 4, 26-34

Parabole, diabole et symbole

Par le Père Pierre ABRY,

        « Par de nombreuses paraboles, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. » La parabole évangélique n’est pas une fable d’où tirer une morale ou une leçon de sagesse. Si Jésus décrit le Royaume en paraboles, c’est bien pour ne pas l’enfermer dans un idéal, un concept, ni le réduire à une matérialité circonscrite. Le mot grec signifie « jeter au coté de » pour rapprocher, laisser transparaître une analogie et donner d’entrevoir une réalité qui n’est pas immédiatement perceptible. Le créé devient lieu de médiation. La réalité familière laisse entrevoir une réalité spirituelle qui nous est encore étrangère. Le monde, dans sa matérialité perceptible par les sens, ouvre ainsi à la réalité spirituelle, qui a besoin de sa médiation pour être perceptible. La figure rhétorique de la parabole prend son plein sens dans l’Évangile de l’incarnation. On pourrait dire, avec toutes les limites de l’analogie, que Jésus de Nazareth est la parabole du Père. « Philippe, qui m’a vu, a vu le Père. » (Jn 14,9)

         En s’affranchissant du réel, notre monde est devenu étranger à la parabole. Elle n’est plus la poésie de la création qui laisse entrevoir le Mystère, mais la poêle à frire numérique qui peuple toits et balcons. Une inversion de la médiation s’opère. Plus encore, sa négation même, par l’immédiateté numérique. En effet, l’image numérique sur nos écrans rend irréel ce qui est bien réel, et nous fait prendre pour la réalité ce qui est irréel. Certains parlent même de « réalité augmentée » ! L’artifice numérique prétend ajouter au réel par le virtuel ! Le spectateur pense avoir un accès direct au réel, sans médiation, alors qu’il est conduit et enfermé dans un monde illusoire d’images, d’imaginations qui stéréotypent la pauvreté de sa pensée. « C’est bien vrai, je l’ai vu à la télé… » C’est l’ère de la diabole, qui signifie « jeter en travers », éclater, diviser. La mesure de nos connexions numériques est souvent celle de notre déconnection du réel. La diabole mutile le réel, oscillant entre la matière sans âme et le virtuel sans consistance. Il y a du diabolique dans la diabole…

        L’Évangile, à travers la parabole, ouvre la création et l’histoire au symbole, qui signifie « jeter ensemble », associer, unir. La matière y trouve une véritable dimension spirituelle et le spirituel une réelle incarnation. La Parole s’y fait chair, se met à notre mesure, pour nous rendre « capable de l’entendre ». L’illustration parfaite en est Marie qui « gardait avec soin toutes ces choses, les repassant dans son cœur. » (Lc 2,19) Littéralement, « elle les symbolisait dans son cœur. »