3ème Dimanche de carême Année B

Jn 2, 13-25

Le sanctuaire du Corps

Par le Père Pierre ABRY,   

        Si les marchands et les changeurs sont bien « installés » dans le temple, « faisant de la maison du Père une maison de commerce », c’est qu’avant tout, ils trouvent demeure dans le cœur de l’homme, qui fait de sa relation à Dieu un commerce. Nos églises et nos cœurs n’y échappent pas. Les démons ancestraux de la religiosité naturelle reviennent insidieusement et s’installent. Alors, le sacré est confiné dans le temple de pierre (fanum en latin), régi par ses règles et ses rites ; la vie hors de l’espace et des temps sacrés est dite profane (pro-fanum – devant le temple), revendiquée à la libre gestion par chacun.

        « Jésus connaissait ce qu’il y a dans l’homme. » Lorsque le Fils de Dieu se fait fils de l’homme au sein de la famille de Nazareth, prenant chair de notre chair, il renverse ce désordre établi, comme les tables des changeurs. Il sanctifie le profane et le sacré, purifiant le sanctuaire du cœur de l’homme. « Le Très-Haut n’habite pas des demeures faites de main d’homme » (Ac 7,48), mais en Jésus de Nazareth « habite corporellement la Plénitude de la Divinité. » (Col 2,9) Lorsqu’à 12ans, Joseph et Marie le retrouvent parmi les docteurs « dans la maison de son Père », « il redescend avec eux, revient à Nazareth et leur est soumis » (Lc 2,51), montrant ainsi que la « maison de son Père » n’est plus le temple de Jérusalem, mais la maison de Joseph ; que la Sainte Famille est désormais le sanctuaire qui abrite le Saint des Saints. Lorsque le péché des hommes profanera le Saint, détruisant le « sanctuaire de son corps » sur la croix, il se relèvera d’entre les morts au troisième jour.

        Si le corps qu’il a pris de nous est le sanctuaire véritable, notre corps le devient tout autant. « De sa plénitude, nous avons tous reçu, et grâce sur grâce ! » (Jn 116) « Ne savez-vous pas que votre corps est un temple de l’Esprit Saint qui est en vous… Glorifiez donc Dieu dans votre corps ! » (1Co 6,19) La vie dite « profane », vécue filialement, devient liturgie. « Offrez vos personnes en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu : c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre. » (Rm 12,1) Le don et l’accueil réciproques des époux constituent le sanctuaire familial. La communauté est « temple du Dieu vivant. » (2 Co 6,16)

        Aujourd’hui encore les marchands sont installés dans les parvis du cœur de l’homme. Leurs commerces et leurs changes, profanent les choses les plus saintes, la vie, la personne, le sanctuaire du corps, celui de la famille. Le pape François ouvrira, le 19 mars, jour de la saint Joseph, une année de la famille. Un appel à cesser de profaner ce qui est sacré et à laisser le Christ sanctifier même ce qui est profane.