3ème Dimanche Ordinaire Année A

Mt 4, 12-23

La condition du disciple, être disciple sans conditions

Par le Père Pierre ABRY,

    Dans la tradition juive, le disciple cherche et se choisit un maître, pour apprendre, à ses pieds, à vivre selon la Torah, dans l’Alliance du Seigneur. Il écoute l’enseignement du maître, le sert, et le voit ainsi vivre la Loi au quotidien. Cette « école », maître et disciples vivant en un lieu fixe, assure sa subsistance par un travail.

     Entendant le Baptiste désigner Jésus comme l’Agneau de Dieu, André et un compagnon le suivent : « Que cherchez-vous ? – Rabbi, où demeures-tu ? – Venez et voyez… » (Jn 1, 35-43) Qu’ont-ils vu durant cette journée passée auprès de Jésus ? Rien de tout cela, ni école, ni travail pour subvenir aux besoins, ni demeure. Ils ont vu un homme qui « n’a pas d’endroit où reposer la tête » (Mt 8,20), cheminant abandonné à la Providence : l’Homme-Dieu qui repose en Dieu son Père et en qui le Père repose.

    Contrairement au Baptiste, ce n’est pas vers la Judée bien-pensante et bien-croyante que va Jésus, moins encore au temple. « Pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète Isaïe », Jésus se rend dans la « Galilée des nations », « Gelil ha goyim », le « District des païens », les « périphéries » auxquelles le pape François appelle l’Église. Les territoires de Zabulon et Nephtali qui, huit siècles plus tôt, avaient été les premiers plongés dans les ténèbres de la déportation sont les premiers à accueillir la lumière.

     Jésus n’attend pas que des disciples se joignent à lui, mais passant au bord du lac de Galilée, il appelle : « Suis-moi ! » Non, « ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis. » (Jn 15,16) Lui, le Maître, se fait serviteur (Lc 22,27) et appelle « amis » ses disciples, « parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » (Jn 15,16) L’ « école » elle-même se fait itinérante, sans domicile fixe : « Jésus parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues, proclamant l’Évangile du Royaume. » Elle devient « hôpital de campagne » selon l’expression du pape pour qualifier l’Église, où se guérissent « toute maladie et toute infirmité dans le peuple. » (Mt 4,23)

     « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » Christ est ce Royaume tout proche. En lui, la conversion, un véritable retournement de l’existence est possible et offert. Si nous avons goûté, ne fut-ce qu’un seul jour comme André, à la personne du Christ et à l’horizon qui s’ouvre en Lui, alors, lorsqu’il passera, son appel lui-même aura la force d’attraction qui nous arrachera aux filets qui nous retiennent, aux barques qui nous embarquent, aux affections qui nous affectent. Il faut avoir été soi-même repêché, pour devenir pêcheur d’hommes.