4ème Dimanche Temps ordinaire Année C

Lc 4, 21-30

Vaccination ecclésiale

Par le Père Pierre ABRY,  

        Jésus retourne en Galilée, à Nazareth, « où il avait été élevé », village à l’image de l’humanité. « De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? » (Jn 1,46) Pourtant, le seul Bon a bien voulu y grandir. « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. » (Jn 1,11) Comme toutes les foules, celle de Nazareth est versatile : Elle porte aux nues et l’instant d’après précipite dans le vide. « Remplis d’admiration devant les paroles pleines de grâce qui sortaient de la bouche de Jésus », les Nazaréens seront « remplis de rage (…), l’expulseront de la ville, le menant jusqu’à un escarpement de la colline sur laquelle leur ville était bâtie, pour l’en précipiter. » Comment en est-on arrivé là ? Comment en arrivera-t-on à telle extrémité, à l’autre bout de l’évangile, lorsque la même foule versatile de Jérusalem, qui avait acclamé de ses « hosanna » le Fils de David y entrant, vociférera peu après « crucifie-le », l’expulsera de la ville et le précipitera dans une mort de pécheur ?

        C’est qu’à Nazareth, on considère Jésus comme un enfant du pays. « N’est-il pas le fils de Joseph, celui-là ? » Les liens du clan, de la fratrie et de la patrie aveuglent les Nazaréens sur la véritable filiation, la paternité divine et la patrie du Royaume. Prétendant savoir qui est Jésus, ils sont incapables d’accueillir celui qu’il est, Celui qui EST et se rend présent.

L’occident s’est longtemps considéré comme une, voire la chrétienté. De toute évidence elle n’est plus, si tant est qu’elle ait été un jour. Il y a toutefois aujourd’hui encore une manière bien nazaréenne de prétendre être du Christ, dans l’entre-soi du clan. Prétextant qu’il est chez lui chez nous, nous pensant chez nous chez lui, on exige qu’il y fasse ce qu’il a fait ailleurs ou en d’autres temps. Ce christianisme de registres pense pouvoir vivre de rentes. Il prétend savoir qui est Jésus, et se met dans l’impossibilité d’accueillir la force prophétique de la Parole, qui aujourd’hui encore s’accomplit. Il est une vaccination qui protège contre toute forme sérieuse de rencontre avec le Christ, tout en octroyant le sésame d’un ‘pass sacramentel’, parfois caution d’une totale incohérence existentielle.

        Mais aujourd’hui, comme alors à Nazareth, le Christ, « passant au milieu d’eux, allait son chemin… » Jésus passe son chemin parmi nous, il ouvre le chemin de la Pâque en notre chair, y « laissant son empreinte, afin que nous mettions nos pas dans ses traces. » (1P 2,21) Il est lui même le chemin. (Jn 14,6) Le disciple emboîte le pas du maître, un pas bien souvent incertain et peu assuré, comme à tâtons. Le nazaréen reste installé dans l’exigence. Disciple ou nazaréen, chacun est à la croisée des chemins.