5ème dimanche de Pâques – Année B

02/05/2015

Jn 15, 1 – 8

 Par Pierre ABRY, curé

 

« P » comme … ?

 

  … Phylloxéra ! Venu des États-Unis, le puceron qui a donné son nom à la maladie, pique les racines de la vigne qui se dessèche et dépérit en moins de trois ans. Au seuil des années 1900, les vignobles de l’Europe entière ont été ravagés. Adieu ! « vin qui réjouit le cœur de l’homme » (Ps 104,15) Grands crus et vins de pays sont livrés au même sort et la désolation plane sur les vignobles. Le seul salut fut de greffer nos cépages sur des porte-greffes issus de plants américains, naturellement résistants au phylloxéra.


« P »… comme péché. L’analogie avec le phylloxéra est criante. Depuis la Genèse, l’homme piqué à la racine de son être, par le phylloxéra du péché se dessèche. Il meurt, incapable d’atteindre la pleine réalisation de lui-même. Le seul remède au désastre fut de greffer l’homme sur ce porte-greffe résistant à la maladie de l’orgueil, le Christ ressuscité, le seul qui ait vécu son humanité parfaitement ajusté à la volonté du Père, vivifié par la sève de l’Esprit. Par le baptême nous sommes greffés sur le Christ. « Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. »


Si greffer ne prend que quelques instants, encore faut-il que la greffe prenne, et cela prend du temps ! Confinés dans une pièce surchauffée, dans une sciure humide et régulièrement arrosée, les greffons poussent de petits rameaux vers la lumière. Mis ensuite dans une terre grasse à l’extérieur, durant une année au moins, les jeunes plants feront des racines. La vigne enfin plantée ne donnera ses premiers fruits qu’après deux ans, si toutefois elle est taillée. Ainsi en est-il du baptême. La greffe sur le Christ doit prendre, dans une communauté où la chaleur fraternelle, l’arrosage constant par la Parole fera grandir la pousse. Elle devra développer ensuite des racines de vie chrétienne. Le chrétien devra grandir et être émondé pour commencer à porter « un fruit à la gloire du Père ». Cette initiation chrétienne est vécue avant le baptême pour les adultes ; elle est déployée après le baptême pour les enfants baptisés ; mais elle est incontournable. L’Église ne distribue pas du baptême, elle initie à vivre en Christ de la sève de l’Esprit Saint. Cette initiation jamais n’est achevée, car sans cesse le Père émonde la vigne pour qu’elle porte davantage de fruit. Et lorsqu’en hiver on taille la vigne, on en coupe plus qu’on en laisse…