5ème Dimanche de Pâques Année C

Jn 13, 31-35

Le poids de gloire

Par le Père Pierre ABRY,

        « Maintenant le Fils de l’homme a été glorifié et Dieu a été glorifié en lui… Dieu aussi le glorifiera en lui-même… » Quelle gloire ? Le sens premier du mot grec « doxa » est opinion, avis, ou encore doctrine, d’où la réputation et la gloire au sens de renommée. En hébreu en revanche, la gloire, « kabod » est littéralement ce qui a du poids, qui pèse. La gloire dont parle Jésus n’a rien à voir avec la renommée, la gloire recherchée des hommes dans le regard et l’appréciation des autres. « De la gloire, je n’en reçois pas qui vienne des hommes. » (Jn 5,41) Elle est étrangère à la complaisance en soi, à la grande opinion que nous avons de nous-mêmes, seule grande idée que nous ayons jamais eue ! « Si je me glorifie moi-même, ma gloire n’est rien. » (8,54) La gloriole humaine est vaine, n’a aucun poids. Elle est porte ouverte aux lâchetés et compromissions, et même un empêchement à la foi. « Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez votre gloire les uns des autres, et ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique ? » (Jn 5,44)

        La gloire, le Fils la reçoit de son Père et réciproquement. Jésus glorifie le Père, donne tout son poids à la paternité de Dieu, en accomplissant sa volonté dans notre nature humaine qu’il assume. Il y manifeste l’amour inconditionnel de Dieu pour ses créatures, amour pour l’homme pécheur, jusqu’à donner sa vie pour qu’il vive. « Je t’ai glorifié sur la terre, en menant à bonne fin l’œuvre que tu m’as donné de faire. Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de toi de la gloire que j’avais auprès de toi, avant que fût le monde. » (Jn 17,4-5) Dans la nuit de Pâque, le Père donne tout son poids de gloire au Fils, le ressuscitant des morts, l’engendrant, dans la condition humaine qu’il partage avec nous, à la vie de ressuscité, dans la puissance de l’Esprit Saint vivifiant.

        « Là où je vais, vous ne pouvez pas aller… Où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; mais tu me suivras plus tard. » (Jn 13,33.36) En effet, cette forme d’amour, la nature même de Dieu, nous est étrangère, inaccessible à l’effort. Elle ne peut que s’accueillir dans la foi au Christ, par le don de son Esprit. Alors oui, nous commencerons à « aimer comme Christ nous a aimés » et cet amour donnera gloire à Dieu ; lui-même nous donnera notre véritable poids de gloire : la filiation divine. « Vous serez les fils du Très-Haut. » (Lc 6,35) « C’est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruit et deveniez mes disciples. » (Jn 15,8) Cet amour « comme Christ a aimé » et lui seul est la condition du disciple et le fruit véritable, la gloire du Père et la nôtre. Le reste est inconsistant, corruptible, vanité des vanités, vapeur illusoire qui se dissipe dans l’oubli.