5ème Dimanche du temps ordinaire Année B

Mc 1, 29-39

Humanité fébrile devenue fiévreuse

Par le Père Pierre ABRY,

         Au terme de trente ans de vie cachée à Nazareth, Jésus commence son ministère, « ce pour quoi il est sorti », entendons sorti du sein du Père. Il descend à Capharnaüm, au cœur de la « Galilée des nations », afin d’y proclamer l’Évangile. C’est bien dans le capharnaüm des nations de ce monde qu’il descend toujours et encore. Qu’y trouve-t-il ? L’homme de toujours ! L’homme enfiévré de travail, prisonnier des filets dont il attend subsistance et bonheur. Une cité fiévreuse d’activité, d’échanges, de transit, de consumérisme, dans l’utopie du progrès et du progrès de la croissance. L’homme endiablé, hostile comme le possédé de la synagogue : « Que nous veux-tu ? Es-tu venu pour nous perdre ? » (Mc 1,24)

         Cependant, dans le capharnaüm actuel, la fébrilité de l‘activité a cédé à la fièvre du covid, de l’inquiétude et de la peur. L’humanité confinée et alitée comme la belle-mère de Simon-Pierre, est brûlante de fièvre. La figure de Job, accablé, fait écho à cette dramatique de l’existence humaine : « Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée… Depuis des mois je n’ai en partage que le néant ; je ne compte que des nuits de souffrance. À peine couché, je me dis : ‘Quand pourrai-je me lever !’ Sitôt levé : ‘Quand serai-je au soir !’ Et des pensée folles m’obsèdent jusqu’au crépuscule. » (Jb 7,1-4)

         « Aussitôt, on parla à Jésus de la malade. » Les chrétiens sont « comme l’âme dans ce corps » malade. Ainsi les décrit l’Épître à Diognète au IIème siècle. Comme les premiers disciples, ils intercèdent auprès du Seigneur pour la malade. « Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait. »

         Il n’y aucun doute, en ces temps de crise comme en ceux de prospérité, c’est Jésus qui sans cesse s’approche de l’homme endiablé, enfiévré ou fiévreux. Il lui tend la main pour le relever, le ressusciter, le conduire par débordement de grâce au service de ses frères. L’apôtre Paul, enfiévré de haine, a vu le Christ qu’il persécutait dans ses disciples s’approcher de lui sur le chemin de Damas. Jeté à terre de son cheval d’orgueil, guéri de sa cécité dans le baptême conféré par Ananias, rempli d’humilité et de componction au souvenir de ses errements, il est devenu l’apôtre des nations païennes par pur débordement de la grâce accueillie. « Libre à l’égard de tous… je me suis fait tout à tous, pour en sauver à tout prix quelques-uns. »« Ah ! Si toi aussi, en ce jour qui t’est donné, tu avais compris ce qui est ta paix ! … Mais tu n’as pas reconnu le temps où tu as été visitée. » (Lc 19, 42.44)