7ème Dimanche de Pâques Année A

Jn 17, 1-11

Le véritable poids de gloire

Par le Père Pierre Abry,

        La gloire dans l’évangile de Jean n’a rien de la vaine gloriole humaine. Si le grec « doxa », renommée, gloire, laisse champ à l’enflure éphémère de l’ego qui s’alimente du regard des autres, l’hébreu « kabod » renvoie à la réalité de ce qui a du poids, qui est lourd. Par ailleurs, on ne s’attribue pas la gloire à soi-même, on la reçoit d’un autre, elle est profondément relationnelle et décentrée. « Si je me glorifie moi-même, ma gloire n’est rien ; c’est mon Père qui me glorifie. » (Jn 8,54) Ainsi donc, à remplacer « gloire » et « glorifier » par « poids » et « donner du poids », l’évangile ouvre sur une densité inouïe.

        Jésus a donné tout son poids à la paternité de Dieu, accomplissant son œuvre, vivant filialement notre condition humaine assumée, jusqu’à l’obéissance de la croix. Au seuil de la passion, il prie le Père de lui donner en retour tout son poids filial, de manifester son amour en le ressuscitant des morts, de l’élever, avec cette même nature assumée, jusqu’à la gloire que le Fils a de toute éternité. La gloire du Père, c’est le Fils aimant ; la gloire du Fils, c’est le Père aimant. La gloire, « l’Esprit de gloire, l’Esprit saint » (1P 4,14) est leur commun amour.

        « Tout ce qui est à moi est à toi, tout ce qui est à toi est à moi. » Dans ce « tout », nous sommes assumés et appelés au même poids filial, à manifester tout le poids de la paternité de Dieu. Jésus nous a « fait connaître son Nom ». Nous prions que ce Nom soit sanctifié – non qu’il doive devenir saint, car il l’est bien – mais que notre vie de fils manifeste cette sainteté et donne consistance charnelle à la paternité de Dieu, tout son poids au nom de Père. « Je sanctifierai mon grand nom qui a été profané parmi les nations au milieu desquelles vous l’avez profané… quand je ferai éclater ma sainteté en vous, sous leurs yeux. » (Ez 36,23)

        L’Esprit Saint répandu à la Pentecôte pour une création nouvelle, donne une gloire trinitaire à toute relation. Lorsqu’il est dit : « Honore ton père et ta mère », il s’agit de leur donner leur gloire, leur poids, particulièrement là où ils ont manqué de consistance. « Et tu auras longue vie sur la terre », non que tu ajoutes des années à ta vie, mais bien de la vie à tes années. De même, le poids d’un mari lui est donné par son épouse, et la gloire de l’épouse lui vient de son mari. Les deux s’accouchent mutuellement à la gloire.

        Ne nous illusionnons pas. Ce qui dans la relation à nos parents n’a pas été glorifié de cette Gloire, nous l’épouserons… Et une fois mariés, ce qui dans le couple ne procédera pas de cette gloire, nous l’accoucherons… Et ce qui n’aura pas été glorifié au terme de l’existence, nous en mourrons.