Dimanche de Pâques Année A

Mt 28, 1-10

Le trou noir du cosmos

Par le Père Pierre Abry,

        Pardonnez l’approche de ce billet pascal, mais la fascination pour les sciences a précédé mon appel au ministère de l’Évangile. Tout de même ! Si un homme, en tout semblable à nous, ressuscite de la mort, passe les murs, est à Emmaüs et en même temps à Jérusalem, est présent et agissant avec nous jusqu’à la fin des temps, alors cet événement a modifié radicalement notre espace-temps, et appelle à vivre ce qu’il en reste en ressuscités !

        L’astrophysique offre une belle analogie pascale, dans les trous noirs de l’univers. Tout ce qui entre dans leur champ d’attraction y est englouti, même la lumière, ce qui les rend invisibles à nos yeux. On ne décèle un trou noir qu’aux effets exercés sur son environnement immédiat, attiré jusqu’à l’ « horizon des événements », pour y disparaître. Au cœur du trou, la gravité et la densité extrêmes constituent une « singularité ». Des hypothèses attribuent le big-bang de notre univers naissant à l’explosion d’une telle concentration extrême.

        Le tombeau béant au matin de Pâque est un trou noir, signe de la mort qui attire tout le créé dans son champ gravitationnel pour finir par l’engloutir. Le Vendredi Saint est cette singularité gravitationnelle, ce point de concentration extrême du péché et de la mort. Le monde, l’humanité, l’histoire se concentrent en ce point de densité extrême, où le Juste est anéanti par le péché. Point où, avant d’être engloutie dans le trou noir de la mort, la Lumière émet un ultime rayonnement perceptible aux yeux de chair : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Au-delà, par-delà l’ « horizon des événements », nous ne voyons pas. Mais nous confessons Christ « descendu aux enfers », jusqu’à la singularité d’Adam, pour faire renaître le cosmos entier dans le big-bang d’une création nouvelle.

        L’espace-temps entre dans la dimension nouvelle de la résurrection, la matière et l’histoire désormais vivifiées par l’Esprit. Là encore, comme pour le premier big-bang, notre science mathématique, physique ou théologique peine et avance à tâtons. Qui pénètrera « la nuit qui a vu l’heure où le Christ ressuscita d’entre les morts » ? (Exultet pascal) Comme un trou noir, son opposé, le jaillissement de lumière et de vie éternelle, ne se laisse voir qu’aux modifications sur l’environnement immédiat. Telle une irradiation de lumière, la Bonne Nouvelle est annoncée dans la Galilée des nations païennes et transforme celui qui l’accueille. « De toutes les nations faites des disciples… Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,20) Deux mille ans après, nous en vivons toujours, sans pour autant parvenir à en saisir encore le jaillissement. Cependant, des êtres de chair, bien que pris dans la gravitation du néant, vivent déjà d’une vie qui dépasse la mort.