Dimanche de Pâques Année B

Mc 16, 1-8

Les « mourands » à l’heure du Vivant

Par le Père Pierre ABRY,

        « De grand matin, le premier jour de la semaine » les myrophores, portant leurs aro-mates, se rendent au tombeau, « comme le soleil venait à peine de se lever. » Il vient en effet de se lever, « l’Astre d’en haut, pour illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres et l’ombre de la mort » (Lc 1,79), le Christ ressuscité d’entre les morts. Elles se demandent qui leur « roulera la lourde pierre pour dégager l’entrée du tombeau. »

        Celui qui était confiné au tombeau n’est plus là. Il a laissé le linceul à sa place, affaissé et non défait, comme vidé de son contenu ; il entre au cénacle toutes portes verrouillées ; il chemine avec deux disciples vers Emmaüs, tout en apparaissant à Simon à Jérusalem. Libre de l’espace et du temps, il est présent à tout lieu et tout temps. Quel besoin y avait-il donc à rouler la pierre ? Elle laisse aux lourds cœurs de pierre la possibilité de l’incrédulité. D’autres lisent le signe : « Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il n’est pas ici, il est ressuscité ! » Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? Au Tabor déjà, après la transfiguration, les disciples se demandaient entre eux « ce que pouvait bien signifier ressusciter d’entre les morts. » (Mc 9,10) Nous avons autant de mal à rendre gloire à « Celui dont la puissance agissant en nous est capable de faire bien au-delà, infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander ou concevoir » (Ep 3,20) : ressusciter les morts.

        Le Ressuscité est Le Vivant. Il ne s’agit en rien d’une réanimation aux bons soins intensifs du Père ; ni d’une dématérialisation, comme de mode, ne laissant subsister qu’un message sans support ; moins encore d’une augmentation biotechnologique transhumaniste. Non, en Christ ressuscité se donne une mutation radicale, un nouvel état de la matière, une assomption de la matière par l’Esprit qui se répercute sur l’homme et le cosmos entier. Nous nous disons vivants, le sommes-nous ? Ce participe présent ressemble bien souvent à un état d’absence. Comme un confirmand doit recevoir la confirmation d’un confirmant pour être confirmé, je suis un « mourand » qui en son heure sera mourant, puis mort confirmé dans les statistiques. A moins que, greffé par le baptême sur Le Vivant, je ne sois un « ressuscitand », en processus de résurrection en attendant d’être ressuscité. Alors, « ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. » (Ga 2,20) Je ne vis plus selon mon « moi », ses désirs et ses peurs, circonscrit dans l’espace et limité dans le temps. Christ ressuscité, Le Vivant est ma vie, mon « moi », en qui s’ouvre une dimension nouvelle de l’espace/temps, la Galilée des nations, où advient le Royaume par l’annonce de la résurrection. C’est là précisément qu’il se donne à voir.