Dimanche des Rameaux Année C

Lc 20,14 – 23,56

Passion de miséricorde

Par le Père Pierre ABRY,

L’Esprit Saint disposant toute chose avec harmonie dans le dessein d’amour du Père, en cette année de la miséricorde, nous entrons dans la Semaine sainte avec la passion selon saint Luc, l’évangéliste de la miséricorde. Lui seul rapporte la parabole du fils prodigue, ou plus justement du père miséricordieux. Arrêtons-nous à quelques traits du visage miséricordieux de Jésus, que seul Luc livre dans son récit de la passion.
La miséricorde de Dieu réfléchit, par un effet de miroir, la misère de l’homme. En réponse à son reniement, « le Seigneur, se retournant, fixa son regard sur Pierre. Et Pierre se ressouvint de la parole du Seigneur : « Avant que le coq ait chanté aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois. » Et, sortant dehors, il pleura amèrement. » (Lc 22, 61) Dans ce regard se révèle le visage que Moïse demandait à voir au Sinaï ; regard du « Dieu de tendresse et de pitié, riche en grâce et en fidélité » (Ex 34,6) ; regard de l’amour trahit qui continue d’aimer. Puisse ce regard, qui réfléchit la miséricorde, faire réfléchir le pécheur pour laisser couler en nos yeux les larmes du repentir.
La miséricorde brille au milieu de deux crucifiés, l’Innocent parmi les coupables, qui nous renvoient, comme en miroir, notre propre image, lorsque nous sommes confrontés à la croix de notre existence. La souffrance ouvre-t-elle un droit au blasphème, ultime sursaut de présomption, d’orgueil et de désespoir ? Si elle n’ouvre aucun droit, elle peut devenir le lieu de toute grâce, de toute miséricorde : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras en Paradis. » (Lc 24,43) Lorsqu’on n’a plus prise sur l’imparfait de notre passé, ni de futur conditionnel pour espérer réécrire l’histoire, il n’y a plus qu’à entrer humblement dans le présent, y découvrir la Miséricorde à nos côtés et voir s’ouvrir le ciel. Comment un larron crucifié peut-il laisser naître une telle espérance ? D’avoir entendu une seule parole et de la voir réalisée absolument : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34)
La miséricorde brille enfin de tout son éclat au matin de Pâque. Car si nos péchés ont conduit le Christ à la mort, sa résurrection d’entre les morts est miséricorde pour tout homme pécheur. Ainsi, « en son Nom, la conversion en vue du pardon des péchés serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. De cela vous êtes témoins. » (Lc 24,47) Recommandation nous est faite, comme aux disciples, de rester dans la ville, Jérusalem, l’Église, dans l’attente d’être revêtus de cette même « force d’en-haut ».