Jeudi Saint – Triduum pascal Année A

Jn 13, 1-15

Aimer jusqu’au bout

Par le Père Pierre ABRY,

       Le verset qui, le Jeudi Saint ouvre le triduum pascal, concentre en des mots choisis le mystère du Christ dans sa totalité : « Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » (Jn 13,1) Jésus, dans son exode vers le Père a porté l’amour jusqu’au bout, jusqu’à son achèvement. Dans le dépassement de sa limite humaine, il en a manifesté la mesure, la démesure divine.

    Jean ne rapporte pas l’institution de l’eucharistie, mais le lavement des pieds, par Celui qui, « de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, devenant semblable aux hommes. Homme, il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix ! » (Ph 2, 6-8) Comme il nous a aimés, il nous appelle à aimer et nous donne d’aimer.

    La mort nous sépare, c’est une évidence quant aux défunts qui nous ont quittés. Mais déjà durant notre vie, l’expérience de mort qu’est le péché, nous sépare les uns des autres, nous rend impénétrables les uns aux autres, nous situe dans une altérité parfois hostile, que nous ne pouvons pas dépasser par nous mêmes

    Jésus accomplit l’Exode des pères hors de l’Égypte, « Mitzraïm » qui en hébreu signifie « limite ». Son exode n’est pas géographique, il est exode dans notre nature humaine elle-même, pour la porter, dans l’amour « jusqu’au bout », au-delà de ses limites, à la mesure divine de l’amour. Seul cet amour « agapè » opère le « passage » au Père, l’irruption à la vie divine. Dans l’ultime parole de la croix : « tout est accompli », l’amour est accompli. Cet amour seul ressuscite au matin de Pâque. Il est donné dans l’Esprit Saint répandu au cénacle, pour opérer une métamorphose en l’homme, sa sortie par-delà les limites de l’individualité fermée, pour vivre comme le Maître. Nous avons ainsi accès au sanctuaire véritable, celui de la communion fraternelle en Dieu, « par cette voie qu’il a inaugurée pour nous, récente et vivante, à travers le voile, c’est-à-dire sa chair. » (He 10,20)

    Que Pâque devienne notre Pâque, passage à la création nouvelle ! Veux-tu passer au Père, vivre de résurrection ? Emprunte les traces du maître. Le premier il nous a aimés, alors que nous étions pécheurs. Feras-tu le premier pas vers le frère pécheur, l’estimant supérieur à toi, désirant l’aimer d’un amour qui sauve, qui pardonne pour sauver, et cela jusqu’à laver ses pieds, comme le maître a fait pour toi ?