Nativité Année A

Engendrements

Par le Père Pierre Abry,

        Déconcertante Nativité déclinée en quatre célébrations, du soir, de la nuit, de l’aurore et du jour. L’évangile de la messe du soir présente la « genèse de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham » (Mt 1,1) égrainant 3 fois 14 générations, soit 6 semaines de générations, qui ouvrent sur la septième, le Christ. Comme le sabbat couronne les six jours de la création, les engendrements de l’histoire du salut culminent dans la Nativité, qui ouvre au sabbat véritable : Dieu vient reposer en l’homme, pour donner enfin à l’homme de reposer en lui.

        Au cinquième jour de la Genèse, la Parole appelait la création à réaliser elle-même le dessein créateur : « Que la terre produise des êtres vivants selon leur espèce, les bestiaux, bestioles, bêtes sauvages selon leur espèce. » (Gn 1,24) Elle produisit les bêtes selon leur espèce (1,25), mais pas la personne vivante, qui relève d’un mystère de nativité, non de production. Aussi, Dieu lui-même s’y attèle : « Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance. » (1,26) Là encore, la réalisation est en deçà du dessein initial : « à son image, homme et femme il les créa. » (1,27) Et la ressemblance ? Elle ne peut naître que du libre consentement à l’amour, en un sabbat encore à venir. Dieu encore y travaille.

        Les évangiles de la nuit et de l’aurore chantent la nativité du Fils éternel dans le temps, pour porter la création à son achèvement. « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ; la vérité germera de la terre et du ciel se penchera la justice. » (Ps 84,11-12) Façonné de la glaise du sol, l’homme advint à l’existence en un visage à visage avec le Créateur lui insufflant son souffle de vie. Dieu advient en notre humanité, dans un visage à visage avec Marie, la créature immaculée telle que voulue de toute éternité. Il se fait « os de ses os et chair de sa chair » (Gn 2,23) lui, Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière.

        Le prologue de Jean dans la messe du jour renvoie lui aussi au commencement, pour un nouveau commencement. Il déchire les cieux et laisse entrevoir le mystère de l’éternelle Nativité en Dieu, du Père et du Fils dans la puissance d’engendrement qu’est l’Esprit. Il annonce la Nativité du « Verbe qui se fait chair et habite parmi nous » (Jn 1,14), engendré dans le sein de la Vierge « ni du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu. » (1,13) Lui seul fait connaître « le chemin vers le sein du Père. » (1,18) Il est lui-même ce chemin (14,6). A ceux qui l’accueillent et croient en son nom, il « donne de devenir enfants de Dieu. » (1,12) A chacun s’offre en cette Nativité la possibilité d’une nouvelle naissance, à son image, pour recouvrer dans la sainteté de l’amour, sa ressemblance.