Saint Sacrement Année C

Lc 9, 11-17

Presque rien

Par le Père Pierre ABRY,

     Le soir tombe, le lieu est désert, comme l’existence humaine va vers son soir, dans un monde ressemblant fort souvent à un lieu désert et inhospitalier, où l’homme est tenaillé par une faim d’être que rien ne vient assouvir. Les disciples n’ont que cinq pains et deux poissons, “presque rien” au regard de 5000 hommes. Mais ce “presque rien”, dans les mains de Jésus qui lève les yeux vers son Père, ce “presque rien” sur lequel est prononcée l’action de grâce du Christ, donné aux foules, non seulement rassasie, mais surabonde en douze corbeilles dont nous mangeons encore aujourd’hui..

     Jésus de Nazareth, un homme, « presque rien” au regard des milliards qui ont existé, existent et sont encore à venir. Mais ce “presque rien” de la vie humaine assumée par le Fils de Dieu, lorsque tombe le soir du vendredi saint et que les ténèbres recouvrent l’humanité, lorsque le lieu se fait désert car il est abandonné de tous, entre dans l’action de grâce parfaite du consentement à la passion par amour du Père et des hommes. Buvant la coupe qui lui est présentée, ce « Presque rien”, Jésus rompu et donné totalement sur la croix, resurgira multiplié dans la résurrection, pour nourrir et vivifier tout homme. Cette vie multipliée porte l’humanité à la satiété et surabonde. Il en “reste” pour toutes les générations dont nous sommes.

     Dans le pain et le vin que nous portons à l’autel, presque rien au regard de notre nombre et de notre faim de vie, dans ce “presque rien” sur lequel est prononcée l’action de grâce du Christ et qui est distribué par les apôtres de tous les temps, se donne pour nous la surabondance du don de Dieu, le Corps et le Sang du Seigneur, l’humanité de notre Seigneur Jésus-Christ vivifiée par l’Esprit, afin que la nôtre en soit vivifiée aussi.

     Chaque dimanche, à la table de la Parole, « le Seigneur nous fait bon accueil, nous parle du Royaume de Dieu et rend la santé à ceux qui ont besoin de guérison. » (Lc 9,11) Il nous fait assoir par groupe de cinquante ou plus à la table eucharistique, pour se donner lui-même en nourriture et nous alimenter du Pain de vie, sur notre chemin vers la satiété débordante. Les saints ne sont que des « presque rien” multipliés par la grâce. Mais si tu ne donnes pas ce « presque rien” que tu es, rien ne se passe. Rien, ou presque rien… car le Seigneur cherchera toujours son chemin jusqu’à ton cœur, même endurci. Il t’aime vraiment, et l’amour ne se résigne pas….