27ème Dimanche du temps ordinaire Année A

Mt 21, 33-43

L’homme déicide

Par le Père Pierre ABRY,

        A l’évidence, Jésus s’identifie au chant d’Isaïe à la vigne du Seigneur, Israël. « Que pouvais-je encore faire pour ma vigne que je n’aie fait ? » Le Père a fait l’impensable, « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme » (1Co 2,9), il a envoyé son Fils, dont les vignerons « se sont saisi pour le jeter hors de la vigne et le tuer. » « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas accueilli. » (Jn 1,11)

        La parabole peut s’entendre au sens historique dans la bouche de Jésus de Nazareth : Le Royaume de Dieu a été enlevé à Israël, « pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits », l’Église. Mais cette Église, qui a reçu bien plus que l’Israël de la première alliance, plus encore, qui est née de la résurrection même du fils jeté hors de la vigne, porte-t-elle le fruit attendu ? « A qui on aura donné beaucoup, il sera beaucoup demandé ! » Lc 12,48) Certes, elle est parée de fruits de sainteté à travers les siècles. Mais ces saints n’ont-ils pas été le plus souvent rejetés et persécutés de leur vivant, à l’intérieur même de l’Église, tout comme les prophètes envoyés à Israël ? La parabole de Jésus s’adresse bien à nous aussi. Tant au plan communautaire que personnel, donnons-nous le fruit attendu ? Clercs comme laïcs courent le risque de s’approprier l’Église, d’en exproprier le Seigneur, d’usurper la vigne à leur profit.

         La parabole dite « des vignerons homicides », décrit la réalité de l’homme déicide, des origines à la fin, au-delà des appartenances ecclésiales. Adam s’approprie la création pour la vivre comme si Dieu n’existait pas. Elle lui rend « épines et chardons. » (Gn 3,18) Israël s’approprie la Terre de Promesse, la vivant comme les autres nations, comme si Dieu n’existait pas. Elle en devient une « une pente désolée, ni taillée ni sarclée, où il pousse épines et ronces. » Pourquoi donc l’Église semble en ce temps une vigne que « le sanglier des forêts ravage et les bêtes des champs broutent ? » On peut donc, même dans l’Église, vivre et agir comme si Dieu n’existait pas, s’approprier toute chose, consommer sans produire de fruit, si ce n’est un verjus d’amertume et de pusillanimité ? Que dire d’une société qui met la main sur « l’arbre de vie » (Gn 4,24), s’arroge droit de vie et de mort, justifie la manipulation du génome par des lois ni bio ni éthiques, dans le silence assourdissant des foules masquées et de fait bâillonnées ? A quelle dévastation future s’attendre ! Vivre comme si Dieu n’existait pas, c’est précisément cela tuer le Fils, tuer le fils en nous et s’exiler du Royaume. Il « est donné à une nation qui lui fera produire ses fruits. » Non pas tant un autre peuple, que le peuple de ceux qui sont devenus autres, laissant la condition déicide et prédatrice du vieil Adam, pour entrer dans la condition nouvelle des fils qui rendent au Père toute grâce reçue.

 

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